Petit port de la Côte d'Azur à quelques encablures de Toulon, Bandol a donné son nom à l'appellation la plus prestigieuse de Provence et abrite tous les premiers dimanches de décembre la Fête du millésime.
Construit par les Phéniciens il y a vingt-six siècles, le vignoble de l'arc méditerranéen est le plus vieux de France, bien avant que la légion romaine parsème la France de vignes, avec l'efficacité qu'on lui connaît. Les exportations se faisaient par bateau et le port jouait un rôle essentiel. Les vins ont très naturellement pris le nom du port d'embarquement, tout comme Bordeaux dénommait tous les vins de la Gironde qui embarquaient dans son port.
La chronique locale retient que, en 1846, 9 600 tonneaux étaient embarqués dans le port, ce qui est considérable, ces tonneaux étant fabriqués par une centaine de tonnelleries locales. L'âge d'or prend brutalement fin avec l'arrivée du phylloxéra, qui décime le vignoble à partir de 1870. Le vignoble est certes rapidement reconstitué, mais avec des cépages à forts rendements tels que l'aramon et le carignan.
Il a fallu attendre les années 1930 pour qu'une poignée de vignerons, menés par Lucien Peyraud du domaine Tempier, redonne sa place au mourvèdre, le grand cépage local. L'appellation contrôlée est accordée en 1941, en délimitant l'aire de production, limitant le rendement à 40 hl/ha sans dépassement possible et en imposant qu'une vigne ne peut produire du bandol qu'au bout de sept ans. La pilule est dure à avaler, mais elle marque le début de l'ère moderne.
Surplombant la mer, l'appellation «bandol » est un écrin inséré dans un amphithéâtre de montagnes, ce qui donne une géologie très complexe liée au soulèvement alpin qui a conduit à une surrection puis un affaissement de l'axe Pyrénées-Provence. Elle couvre aujourd'hui huit communes et 1 500 ha.
Une élégance insoupçonnée
Si même les géologues ont du mal à s'y retrouver, les amateurs se délectent des différences entre les propriétés. «Notre sol très calcaire, provenant du trias, est la clef de l'élégance de notre vin», avoue Éric de Saint Victor, l'heureux propriétaire de château Pibarnon. Le vin doit être vraiment magique puisque ses parents, Henri et Catherine, avaient acheté la propriété quasiment à l'abandon, après avoir dégusté le 1975 dans un restaurant local. Dégustateurs avertis mais ne connaissant rien à l'élaboration du vin, ils ont appris sur le tas. En moins de vingt ans, ils en ont fait le plus grand vin de Provence et l'équivalent d'un grand cru classé de Bordeaux.
Pourtant, être producteur à Bandol n'est pas une sinécure. Il faut arriver à amadouer un rude gaillard, le cépage mourvèdre. Trop compliqué, ce cépage tannique et acide n'a été pendant longtemps qu'un vin médecin permettant de remonter des cuvées un peu faibles et il a été escorté par le cinsault, le grenache et même le carignan. On le disait autrefois originaire d'Espagne où il porte le nom de tamaro, mais l'analyse ADN a battu cette hypothèse en brèche. Pour prospérer, il a besoin de deux conditions contradictoires, du soleil et de l'humidité, ces conditions étant justement réunies à Bandol.
Bien mené, sur les grands terroirs de Bandol, il prend une élégance qu'on ne soupçonnait pas et non seulement il vieillit à merveille, mais il a besoin de vieillir, ce qui n'est pas une donnée de notre époque. Les traditionalistes comme château Pradeaux considèrent qu'il faut donner du temps au temps et patienter une quinzaine d'années. Les plus réalistes, comme Agnès Henry-Hocquard à la Tour du Bon, poussent les maturités et l'élèvent en fûts : «C'est vrai que j'aime que mon mourvèdre soit bien mûr !» Ce qui n'empêche pas le vin de bien évoluer en bouteille.
Des vins de longue garde
En dehors de ses cĂ©lèbres rouges, Bandol produit des rosĂ©s et des blancs. Si les blancs sont Âanecdotiques, les rosĂ©s, qui reprĂ©sentent une part notable de l'appellation, ont une vĂ©ritable personnalitĂ©. Comme ils se vendent sans difficultĂ© aux touristes de passage, ils permettent de financer l'Ă©laboration des grands rouges.
Pour maintenir l'attention sur ces vins de longue garde, les producteurs organisent chaque annĂ©e la FĂŞte du millĂ©sime qui a lieu le premier dimanche de dĂ©cembre. OĂą ? Dans le fameux port de ÂBandol, qui est devenu bien Âpaisible. Au son des trompettes romaines, ils prĂ©lèveront les Ă©chantillons des Longues Gardes et le public pourra lui-mĂŞme en juger les aptitudes au vieillissement. Sur ce mĂŞme port, jadis, les barriques marquĂ©es du fameux B de l'appellation partaient Ă la conquĂŞte du monde.
• 27e Fête du millésime, le dimanche 7 décembre 2008, sur le port de Bandol. Ouverture de 10 heures à 16 heures. Droit d'accès : 4 € par personne munie de son verre de dégustation du millésime (4 € le verre). Les tickets se vendent à l'entrée de l'œnothèque.
Source : Bernard Burtschy http://www.lefigaro.fr