Hélène Yuan et Tommy Shan innovent avec une sélection de vins dédiés à la cuisine de Canton.
Adresse réputée, Au Bonheur du Palais (1), à Bordeaux, depuis que la Chine s'éveille au vin, reçoit la visite des propriétaires bordelais et des importateurs chinois. Du coup, sous l'impulsion d'Hélène Yuan, qui a troqué son master finance contre un diplôme universitaire d'aptitude à la dégustation des vins, la sélection des bouteilles du restaurant s'est enrichie. Les frères Shan, Andy, le cuisinier, Tommy, le responsable de la salle, se réjouissent de cette évolution qui bouscule les idées reçues.
« D'ordinaire, la cuisine chinoise, entre neutralité et flamboyance, évite la confrontation avec les grands vins. Cette carte, qui privilégie la subtilité des blancs sans négliger une sélection de rouges, destinée à des alliances précises, tend à prouver que les grands vins et la grande cuisine savent faire voler les frontières en éclats », lit-on dans la présentation du livre de cave (250 références). Le public qui fréquente les tables asiatiques boit généralement du rosé, de la bière, du thé, d'autant que les propriétaires de ces établissements où dominent nems, rouleaux de printemps, raviolis à la vapeur, poulet au soja et boeuf aux oignons, ont rarement la connaissance du vin.
La cuisine servie au Bonheur du Palais relève de la gastronomie. Les seiches croustillantes au gingembre, le poulet du Mandarin Gong-bao, le porc aux épices Tao-Pan, le boeuf braisé aux épices pimentées sont des plats infalsifiables. Andy Shan y apprivoise la complexité des saveurs - 23 au total - qui fondent la grande cuisine chinoise. Ces plats peuvent être conseillés maintenant avec le vin approprié. Hélène Yuan a fait le tour des vignobles de l'Hexagone et des salons professionnels, a écouté les connaisseurs et organisé avec Tommy des séances de dégustation ciblées. Mieux même, le trio a été invité à célébrer les accords mets et vins dans des châteaux prestigieux, d'Yquem, Suduiraut, Palmer, notamment.
La clientèle du restaurant, interpellée par la démarche, adhère. Sauf s'il s'agit d'amateurs éclairés, elle s'en remet au choix d'Hélène. Celle-ci propose ainsi un vin d'alsace, riesling grand cru schlossberg 2007, « qui tiendra les épices » avec les seiches croustillantes au gingembre. Pour accompagner le porc aux épices Tao-Pan (pâte de piment, poivre, badiane, cumin, huile de sésame, huile de piment rouge), elle recommande un saumur-champigny clos-rougeard 2005, « un vin poivré et épicé, aux tanins mûrs, qui calmera les épices ». Elle convoque le château-guiraud, sauternes premier cru classé 1996, avec le poulet du mandarin Gongbao, « qui, avec sa douceur et son sucré, gommera les aspérités du plat qui est relevé ».
« Le challenge est de trouver le vin qui va en face », souligne le Bordelais Olivier Dauga qui, en sa qualité de « faiseur de vins », a animé une séance de dégustation au Bonheur du Palais. Il rend hommage à Hélène Yuan, Andy et Tommy Shan « pour la manière, réussie, avec laquelle ils rapprochent le vin, exception culturelle française, et la gastronomie chinoise ».
(1) Au Bonheur du Palais, 74, rue Paul-Louis-Lande à Bordeaux. Tél. 05 56 94 38 63.
JACQUES BALLARIN - Sud Ouest
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