J'ai la chance d'être invité par un couple d'amis chaque année (et un peu plus souvent en fait) pour le 14 juillet, en compagnie de quelques passionnés, rencontrés depuis douze ans pour certains sur le net.
On forme un "club" (les ex-Déciens parisiens), devenus amis autour de notre passion et au-delà .
Samedi soir donc, nous nous retrouvons autour d'un repas toujours aussi délicieux - on ne se lasse pas du pain de poisson et la mayonnaise maison, ni de la côte de boeuf et son gratin dauphinois -, accompagné par l'apport de chacun, sachant que notre hôte Raymond fournit une bouteille sur chaque série de trois vins, tous servis à l'aveugle.
On a débuté par un Champagne Brut Nature d'Ayala, au joli nez brioché et "minéral", l'absence de dosage est "compensé" par une matière mûre et joliment ciselée autour de bulles fines. Délicieux.
Ensuite, vint un autre Champagne, le Brut Royal de Pommery, à l'expression classique, mais éclipsé par l'Ayala, ce dernier possédant plus de corps et de personnalité.
Première série : les blancs (avec le pain de poisson)
Le Meursault Genevrières 1999 de Bouchard Père et Fils souffre malheureusement de prémox et malgré une jolie matière, n'offre que peu de plaisir sauf à l'accompagner comme un vin du Jura, mais ça manque de finesse. Ensuite, on a apprécié un joli Saumur Brézé 2007 de Guiberteau mais le 2007 manque un chouille de colonne acide contrairement au 2008, plus raffiné et "traçant. Evidemment, le troisième blanc a éclipsé les deux autres, malgré une forte réduction initiale. L'aération lui a fait le plus grand bien : la matière est de suite superlative, riche, d'une grande énergie en bouche. Le nez devient plus floral et fruité, porté par une grande fraîcheur et une superbe complexité. C'est le seigneur qui parle : Montrachet 2000 de Prieur. Immense merci à l'ami Martin qui sait nous dégoter des bouteilles que l'on n'oublie pas de sitôt !
Seconde série : la Bourgogne
Le Vosne-Romanée les Petits Monts 1995 de Mongeard-Mugneret montre une évolution plus affirmée que les deux autres suivants, mais aussi une certaine austérité. Pas mal, mais difficile de passer après les deux autres. Celui du milieu monte d'un cran au dessus et présente surtout une élégance, une finesse digne d'un beau cru sur un millésime bon, sans être grand. (demie) Surprise : c'est le Latricières-Chambertin 2004 du domaine Rossignol-Trapet, domaine qui a réussi ses grands crus sur 2004, comme l'atteste le Chambertin qu'on a déjà bu à plusieurs reprises.
Le troisième vin impose le respect : on passe dans la catégorie des grands de Bourgogne. Quelle énergie, quelle complexité et quelle classe ! On a déjà bu plus grand, plus baroque et plus tout, jadis, mais le plaisir de déguster ce vin est complet et on sait qu'on est devant une forme de perfection toute bourguignonne. Un beau terroir, un grand vigneron, un grand millésime. Superbe Chambolle-Musigny Les Amoureuses 2002 du domaine Groffier.
Les deux premières séries ont ceci de commun que les trois vins servis l'ont été sur un ordre croissant, avec un dernier vin réduit au service, mais qui a explosé de puissance et de race dans le verre.
Troisième série :
Evidemment, on ne sait pas d'avance dans quelle région on est. Aussi, le premier vin nous fait penser (je suis le premier à évoquer Pessac avec la légendaire note fumée) à Bordeaux. Mais les deux autres nous amènent en Rhône, surtout le dernier, pour lequel certains hésitent vers Châteauneuf. Je reste pour ma part sur le Nord et regarde du côté des Côtes-Rôties, avec un léger doute sur le deuxième (Hermitage ?).
La Côte-Rôtie la Chatillonne 1996 de Vidal-Fleury montre une franche qualité de vin, une évolution qui adoucit ce vin qu'on connaît bien. Très bon classique.
Le second est plus viandé au nez, ça renarde, mais le cassis et le fumé prennent le dessus. Grosse structure en bouche pour cette Côte-Rôtie Château d'Ampuis 1995 de Guigal, premier millésime du nom.
Le troisième est enthousiasmant et plus baroque, plus jeune et plus complexe aussi. Magnifique matière et un équilibre sans faille. Cette Côte-Rôtie les Grandes Places 2006 de Gérin est une superbe réussite.
Quatrième série : Bordeaux
Là , c'est facile, encore qu'on pourrait trouver un cabernet franc ligérien, on ne sait jamais.
Le premier vin est aussi le plus évolué, correct mais peu complexe, avec une acidité et une verdeur en finale marquée. C'est assez bon encore sans plus, mais peut-être fut-il meilleur auparavant. C'était Pontet-Canet (Pauillac) 1995.
Le second vin m'a fait penser initialement à la rive droite (merlot ?). Mais on est à Saint-Estèphe : le Lafon-Rochet 2003 est bon, mais montre des signes de faiblesse, du classique sans trop d'éclat.
Le troisième vin nous fait monter de plusieurs crans et semble d'une éternelle jeunesse : waouh ! c'est à la fois assez mutique, pas très "baroque" et pas très causant initialement (un peu plus par la suite), mais la matière est magnifique, aux tanins puissants, riches, soyeux à la fois. Nous sommes plusieurs à évoquer la puissance d'un 2005 sur Pauillac. Quelle surprise en voyant apparaître Cos d'Estournel 1989, d'une jeunesse stupéfiante. A laisser encore 20 à 30 ans en cave, à mon humble avis. Là , c'était bon mais seulement à l'aube de son potentiel. Impressionnant.
Nous terminâmes la soirée doucement avec un vacherin maison de belle facture. Dommage pour le Gewurztraminer SGN 2000 de Guy Wach, bouchonné. Le Riesling Brauneberger Juffer Sonnenuhr Auslese 1993 de Fritz Haag fut bon pour les amateurs du genre, mais desservi par le vacherin. Vin peu sucré, version demi-sec, à la complexité moyenne. Je fus déçu de la prestation de cette bouteille, quoiqu'on restât sur le citron vert et le naphte que j'apprécie sur les riesling mosellans, ainsi que sur la fraîcheur et l'aspect un peu "eau de roche", qui m'avait tant ébloui il y a dix ans avec un 92 du même producteur.
On s'est finis au thé chinois, histoire de se remettre d'aplomb, car les crachoirs n'ont pas été aussi utilisés que l'on avait envisagé. Encore une soirée mémorable !
NB en forme d'édit : quelques erreurs sur les noms des vins...