.Domaine François Villard, la générosité du RhôneEnraciné dans le nord de la vallée du Rhône, François Villard, un temps cuisinier, a réalisé son rêve : élaborer son propre vin. Auteur de cuvées jadis opulentes, il a aujourd’hui affiné son style avec des blancs plus minéraux, tendus et des rouges plus faciles.Homme de passion, François Villard (domaine François Villard) débute son parcours comme cuisinier, non pas un de ces jeunes chefs qui se prennent trop tôt pour des artistes, mais un simple “cook” qui travaille en restauration collective ou dans des restaurants ordinaires. Cela ne l’empêche pas de nourrir une passion pour le vin : le soir, il rêve d’élaborer le sien. "Mon fantasme était de posséder deux hectares, je partais à la rencontre de vignerons, j’étais fasciné par la magie du vin."
Suit une formation de sommellerie à Tain-l’Hermitage, puis un brevet “viti-œno” à Mâcon entre 1987 et 1988. Il achète sa première vigne en 1988, fait un stage chez Yves Cuilleron, agrandit son vignoble petit à petit, sept à huit hectares en 1990, 12 en 2005. Il achète des vignes à Saint-Péray en 2006, en prend d’autres en fermage, initie un négoce d’achats de raisins ou de vins, participe avec ses compères Pierre Gaillard et Yves Cuilleron à la création des Vins de Vienne. Toutes les appellations de la vallée du Rhône septentrionale sont aujourd’hui dans son portefeuille, à l’exception d’Hermitage. Sa première cave est bâtie en 1996, avec une extension pour une grande cuverie en 2002. 2013 voit l’arrivée d’une cuverie bois.
VERS DES VINS PLUS TENDUSSa notoriété initiale est fondée sur des vins issus de vendanges très mûres, avec l’apparition du botrytis dans sa version noble. Des vins riches et parfois opulents, marqués par les épices. Avec le temps et la sagesse de la maturité, François Villard a fait évoluer son style vers des nectars plus tendus, avec moins de degré alcoolique. Dans ses vins blancs, la minéralité saline arrive en fin de maturation, mais sans basculer vers le “trop mûr”. Il est partisan de rendements assez élevés pour obtenir cet équilibre. Pour les rouges, il veut désormais limiter les extractions pour obtenir des vins plus faciles. Le tout avec des déclinaisons multiples et un grand nombre de cuvées. "Je veux séparer les terroirs et ne pas assimiler mes vins aux seuls cépages viognier ou syrah ou aux appellations. Sur des millésimes difficiles, en 1994 par exemple, j’ai isolé des parcelles, des barriques. La clientèle est fidèle à telle ou telle cuvée, pour son prix, son nom et sa signature."
Le vignoble est conduit en guyot simple ou en échalas, selon les secteurs. Si le désherbage était la règle, en abandonnant cependant les produits anti-germinatifs, le travail du sol fait partie des objectifs, du moins pour les parcelles où c’est possible. "J’aimerais avancer davantage vers le bio, mais le facteur limitant est ici le travail du sol. Sur ces terrasses, difficile de labourer sans un coût prohibitif. Sur les 33 ha en propriété, 20 vont être travaillés, mais je ne veux ni perdre une récolte, ni charger les sols en cuivre."
Sur les terrasses accessibles, rotofil, travail au chenillard, intercep hydraulique, tout est mis en œuvre pour atteindre le but. Le treuil va faire l’objet d’un essai mais les parcelles plantées dans la pente sont rares. Les traitements comprennent soufre et cuivre, pas de systémiques, mais aucun intégrisme en la matière, le pragmatisme fait loi. Les vendanges attendent la juste maturité, sans basculer vers le confit, mais avec toujours un peu de botrytis.
DONNER DU VOLUME AUX VINSPour les achats de raisins, François Villard privilégie la récolte par ses équipes ou impose la date de vendange. Les raisins blancs sont pressés en grappes entières dans un pressoir pneumatique, peu sulfités, les jus débourbés à 8-10° C. Les bourbes fines sont filtrées et le jus réintroduit pour donner du volume aux vins. La fermentation est pratiquée sur levures indigènes. Pour les vins qui fermentent en barriques, la température est contrôlée dans chaque fût et maintenue entre 13 et 18° C, selon les cuvées.
La malolactique est complète. Au début, un bâtonnage par semaine, pendant les six premiers mois, l’élevage peut se poursuivre sur 11 à 18 mois sur lies, sans soutirage. Soutirage final, réajustement du SO2, collage à la bentonite en barrique, puis une filtration tangentielle, mise en bouteilles après une cartouche stérile. L’objectif est d’élaborer des vins blancs de garde, du moins pour les grandes cuvées, donc des vins épurés et stabilisés.
Pour les rouges, ramassés en bennes de 300 kg, les raisins en grappes entières ou partiellement éraflés sont mis en cuve à la pompe à vendange, sorte de foulage pour obtenir du jus. La cave est équipée de cuves inox et bois de petites capacités. Les fermentations se déroulent sur levures indigènes à des températures de 27 à 28° C, sans pigeage ou délestage. Seuls de légers remontages vont pousser l’extraction.
Après des cuvaisons qui ne dépassent pas deux semaines, écoulage. Les bonnes presses sont réintroduites car les extractions mesurées y laissent beaucoup de qualités. L’entonnage est immédiat, tous les vins passent sous bois, en foudres tronconiques ou en pièces, avec un taux de bois neuf variable, jusqu’à 50 %. Les vins sont élevés pendant 15 à 18 mois. 75 % des vins sont vendus en France, quand beaucoup de vignerons privilégient l’export. "Plus à l’écoute de la cuisine qu’autrefois, je fréquente mes clients des grands restaurants et m’aperçois que le plus important est l’équilibre, gage de longévité et de plaisir."
DES VINS BLANCS RONDS ET SALINSLe catalogue de François Villard compte énormément de vins. Impossible d’être exhaustif, en voici une sélection. En blanc, le saint-joseph Contours de Mairlant 2014 (marsanne et roussanne à égalité) est rond, aromatique, avec une finale saline et grillée (14/20) ; le crozes-hermitage Cour de Récré 2014 (100 % marsanne) est un vin plaisir (15/20) ; le saint-péray Version 2014 (80 % marsanne, 20 % roussanne) offre du fond et de la tension (15,5/20) ; le saint-péray Version Longue 2013 (100 % marsanne) est fin, complexe, salin, il dévoile une dimension supplémentaire (16/20) ; le saint-joseph Fruit d’Avilleran 2014 (100 % marsanne) est ample, avec un fruité expressif et de la minéralité (15,5/20) ; le saint-joseph Mairlant 2014 (50 % marsanne, 50 % roussanne) est ample, grillé et épicé (16/20) ; le vin-de-france Contours Deponcins 2014 est plus variétal, très aromatique, une introduction au viognier de ce secteur granitique (13/20) ; le condrieu Terrasses du Palat 2014 est fin, éclatant, avec une richesse bien équilibrée, de la minéralité (16/20) ; le condrieu Deponcins 2014 est d’une belle salinité finale. Il est bâti pour la garde (17/20).
LE SOYEUX ET LES ÉPICES DES VINS ROUGESEn rouge, le vin-de-france L’appel des Sereines 2014 dévoile un fruit frais et framboisé, une bouche un peu simple (14/20) ; le vin-de-france Seul en Scène 2014 est expressif, sur le fruit noir et la violette, soyeux et fondu, bien représentatif des schistes de Seyssuel ; le crozes-hermitage Comme une Évidence 2013 est épicé, structuré, avec des tanins encore présents (14,5/20) ; le saint-joseph Poivre et Sol 2014 possède de l’énergie, un fruité précis et tonique (14,5/20) ; le saint-joseph Mairlant 2013 est extrait avec doigté, sa matière est expressive, sa finale bien poivrée (15/20) ; le saint-joseph Reflets 2013 est axé sur un fruit noir poivré, des tanins enveloppés, un vin de garde (16/20) ; le cornas Jouvet 2013 offre du fond, une bouche riche, avec des tanins bien intégrés (16,5/20) ; le côte-rôtie Le Gallet Blanc 2013 est épicé, avec une note florale, une bouche encore stricte, mais le potentiel est bien là (16,5/20). Le côte-rôtie La Brocarde 2013 est un cran au-dessus, avec une finesse aromatique supérieure, les 13 % de viognier n’y sont pas étrangers (16,5/20).
LA VERTICALE DU DOMAINE FRANÇOIS VILLARDCondrieu Le Grand Vallon : Un blanc limpide, reflet de son terroir
Le Grand Vallon (100 % viognier) naît sur une parcelle en terrasses de 1,75 ha, exposée est et sud-est sur la commune de Saint-Pierre-de-Bœuf, à l’extrémité sud de l’appellation, sur des sols de granit quartziteux et de loess. À la dégustation, on remarque que le terroir l’emporte sur le cépage et surtout lisse l’effet millésime. Et si le viognier parle la première année, la minéralité apparaît vite. La complexité du vin s’établit autour de cinq ans de garde.
2012
16/20
Des notes florales, avec de la pêche jaune, de la minéralité. La bouche est ample mais bien équilibrée, avec une belle puissance aromatique, des notes grillées, une finale bien épicée, plutôt tonique. Il doit fondre son grillé.
2013
16,5/20
Très floral, avec de fines notes épicées, une minéralité sous-jacente. Bouche pleine, aromatique, avec de la rondeur, une finale élégante bien allongée. Il finit sur des notes safranées et d’amande.
2012
16/20
Des notes balsamiques, de résine de pin, de fruits jaunes matures. La bouche est expressive, avec du nerf. Elle finit sur des notes fumées, une minéralité en équilibre avec le fruit.
2011
17/20
Nez complexe et ouvert sur les fruits secs, des notes d’agrumes, de miel. Nous sommes dans une palette aromatique secondaire. La bouche est suave, souple et arrondie, bien tonifiée par une puissance épicée qui s’étire en finale.
2010
17/20
Un nez de fougère, noisettes grillées, pêche rôtie, safran. La bouche est riche, ample, avec des notes rôties, la finale est encore un peu boisée mais ici encore l’équilibre est obtenu par la force épicée.
2009
18/20
Un superbe nez encore jeune, avec de l’abricot rôti, des notes salines et minérales, des épices douces. La bouche est opulente mais sans lourdeur, elle finit sur une amertume élégante, assise sur une structure affirmée.
2008
16/20
Du fruit confit, des épices safranées, du miel… le nez est d’une belle complexité. La bouche est tout aussi aromatique, suave, avec une finale épicée, bien allongée.
2007
15/20
Ici, le nez se montre plus évolué, avec des arômes de fruits secs, de cire, des notes bletties. La bouche est plus légère, avec peu de volume. Le vin finit sur des notes grillées.
2001
18/20
Notes de noisette, d’aiguille de pin, de fruits jaunes rôtis, de safran. La bouche est marquée par le botrytis au travers d’une belle force épicée. Elle finit complexe, sur des fruits très mûrs et de la tension. Belle réussite dans un style personnel.
1999
17/20
De fortes notes balsamiques, avec de la résine, des fleurs séchées, du fruit confit, du safran. Le botrytis parle haut et fort. La bouche est pleine, riche, miellée, avec une finale expressive, épicée, sur des zestes d’agrumes. Un style démonstratif.
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