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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Mais qu’est-ce donc qu’un grand vin ? Cette brûlante question m’est souvent posée tant par le néophyte qui veut savoir que par l’expert parfois narquois qui ne peut résister au plaisir de tendre ses pièges .

La réponse me semble pourtant toute simple , trop simple peut-être ? Un grand vin est d’abord et avant tout un vin qui donne un grand plaisir . C’est un peu court . J’en conviens . Alors , je m’en explique .

Tout d’abord , un grand vin n’est pas acheté à la sauvette , au hasard de ce que le présentoir de notre fournisseur habituel a à offrir au jour le jour . Non , un grand vin est minutieusement choisi après s’être bien renseigné . Il faut avoir dépouillé moult chroniques et épluché nombre de catalogues avant d’identifier la perle rare et de fixer son choix sur le cru qui fait rêver . Ensuite , il faut trouver où , dans quel établissement , il sera possible de mettre la main sur le flacon tant convoité . Parfois , il arrive aussi qu’il soit nécessaire de consulter son banquier pour réunir la somme nécessaire à cet achat d’exception .

La précieuse bouteille acquise , le plus grand plaisir qu’elle puisse alors offrir , c’est de se laisser désirer . Le vrai jouisseur sait faire durer le plaisir . Il déposera soigneusement son trophée en cave et l’attendra aussi longtemps que possible pour ne l’ouvrir que quand elle aura atteint l’âge triomphal de la plénitude . Le désir croît avec les années .

Après une longue attente , le grand jour arrive enfin . L’événement tant attendu a été préparé méticuleusement . Que le grand cru soit destiné à accompagner un plat de roi ou dégusté pour lui-même est moins important que les amis qui ont été choisis pour le partager . Un grand vin ne doit jamais être un plaisir solitaire . Toujours il doit réunir quelques élus triés sur le volet et qui sauront apprécier le moment exceptionnel qui s’annonce . Ainsi , le plaisir de celui qui ouvre une telle bouteille n’en sera que plus grand encore .

C’est qu’un grand vin est plus qu’un prétexte à la fête , il est l’objet même de la fête .

Le vin est à la bonne température et , après que le maître de cérémonie ait , parfois quelque peu théâtralement retiré le bouchon , il est décanté avec soin . Puis , enfin , versé dans des verres faits pour en révéler toute la splendeur . Ce serait une grande faute de le ruiner en le servant dans des verres indignes de lui .

Enfin , c’est l’heure de la grand-messe . Religieusement , chacun se concentre sur le précieux liquide afin d’en découvrir tous les mystères .

Chacun des communiants admirera d’abord la couleur du vin , la nuance et l’intensité de celle-ci . Chacun jugera aussi de la limpidité et de la densité du liquide . Enfin , tous se prononceront sur l’heureuse évolution d’un vin arrivé à maturité , mais qui après tant d’années en cave conserve toujours une belle robe vibrante .

Réjouis des promesses faites à l’œil , c’est maintenant avec le nez que les convives poursuivront leur quête du bonheur . L’intensité des arômes , la complexité , la profondeur du bouquet , la noblesse et la race de celui-ci les combleront de joie .

Pour faire durer ce bonheur , personne n’ose se précipiter pour porter maintenant le liquide en bouche . Après avoir humé le divin nectar une , deux , trois fois , chacun repose son verre et , moment essentiel, partage son enthousiasme avec ses voisins de table . Puis, l’on recommence . Suivre l’évolution des arômes d’un grand vin dans le verre est une jouissance dont l’amateur ne peut se passer .

Le vrai plaisir du bon vin , d’un vin noble , ce n’est pas seulement de le sentir et de le boire , c’est aussi , et cela est encore plus important , d’en parler avec ceux avec qui on le partage . Si le vin est une marque de civilité , un fait de civilisation même , c’est justement parce qu’il contient assez de magie pour provoquer une conservation intelligente . Parler du vin est le nec plus ultra de l’art de la table .

Le moment grandiose du saint sacrifice bachique arrive enfin , celui de goûter le vin . En bouche , le grand vin impressionne tant par sa plénitude que par sa structure harmonieuse . Comble de bonheur , même une fois avalé , il persiste longuement et laisse pendant plusieurs secondes l’agréable souvenir de ses riches arômes de bouche .

Pour les convives , ne reste alors qu’une chose à faire , parler encore du grand moment que chacun vient de vivre et , pourquoi pas , rêver de la prochaine occasion , de la prochaine grande bouteille qu’on ouvrira bientôt .

Benoit Guy Allaire
de l’Académie du vin de l’Outaouais
http://www.vinquebec.com

PS : j'ai adoré cet article tellement vrai ...

[Lalex]

Je relis actuellement "Autour d'une bouteille avec Denis Dubourdieux"_ L'œnologie dans tous ses états.


Page 36, il donne sa définition d'un "bon vin" et je cite une partie du paragraphe:

" ...Un bon vin procure presque les mêmes sensations qu'un grand vin; il est seulement beaucoup moins cher et prestigieux. A l'aveugle, le bon vin n'est pas facile à distinguer du grand. L'amateur, même averti, peut s'y tromper. Un petit vin ne donne pas les mêmes sensations qu'un grand. Un amateur ne peut confondre les deux, c'est une erreur qu'il ne peut pas commettre...".

Qu'en pensez vous et êtes vous d'accord avec cela?

Alex,

[Lomag]

Je suis d’accord sur le fait que la frontière entre un bon vin et un grand vin est beaucoup plus mince que celle entre un petit vin et un bon vin
Pour ma part je ne bois que rarement des grands vins ( 3/4 fois par an ) mais je me console avec beaucoup de bon vins

[Lalex]

Salut Loic,

Et ou se situe le frontière entre le bon vin et le grand vin?

Je suis comme toi, je bois bien plus de bon vins que de grands vins et c'est peut-être ce qui m'empêche actuellement de "situer précisément " une frontière.

Alex

[alex73]

Une fois de plus tout est relatif. A partir de quand est-on riche? Distinguer le mauvais du bon est (presque) à la portée de tout le monde et donc de toutes les bourses... Par contre pousser l'analyse plus loin est plus complexe. D'abord c'est une affaire de goût, d'éducation, de culture. Ensuite il y a la notoriété, la rareté et bien sûr le prix. Chacun met un seuil qui dépend de ses moyens financiers. Je dirais quand même que lorsque qu'on reste dans des fourchettes de prix raisonnables (disons < 40/50€) la hiérarchie des prix correspond à peu près à la hiérarchie de la qualité. Il y bien sûr des exceptions car la notoriété venant, certains domaines exagèrent.
Pour en revenir à la question posée: qu'est-ce qu'un grand vin? On peut raisonnablement penser que dans les régions qui ont des classements (Bordeaux, Bourgogne) un Grand Cru sera un grand vin. Pour les régions sans classement ( Loire, Languedoc...) c'est souvent la notoriété voire le prix qui permet de distinguer un petit vin d'un grand. Encore que... Il y a bien sûr des exceptions. Le véritable amateur est toujours à la recherche d'un vin qui offre le meilleur rapport Q/P possible.
Ensuite on peut prendre le problème sous un autre angle: le plaisir apporté par une bouteille doit primer sur le reste. C'est finalement in fine ce qui compte: se faire plaisir! Mais il est vrai qu'en société on ouvre plus facilement une bouteille prestigieuse qu'un vin méconnu. Combien de fois j'ai été bluffé par la qualité d'un vin dont l'étiquette n'était pas célèbre. Je me souviens par exemple, c'était il y a longtemps, des amis m'avaient servi un très vieux Côtes du Rhône (Séguret ou Visan je ne sais plus) que j'avais trouvé fantastique. Une fois de plus c'est dans le verre que se trouve la vérité et non sur l'étiquette!

[Lomag]

Salut Alex
Pour moi il n’y a pas de critères scientifiques, c’est juste une question d’émotions
En général moi ça me provoque une petite euphorie comme une montée d’adrénaline, je prend mon temps j’essaye de prolonger le moment ( la dernière fois avec un hermitage 2006 de chez chave

[Thierry Debaisieux]

"Un bon vin procure presque les mêmes sensations qu'un grand vin"

Les vieux lecteurs des sites d'amateurs de vin le savent.
J'ai toujours eu une énorme admiration pour le professeur Dubourdieu.
Lorsqu'il est intervenu pour la première fois sur LPV, j'avais eu un message d'un intervenant habituel qui me disait que "pour moi, c'était Noël avant la date", et c'était vrai, j'étais heureux.

Mais là, il ne définit pas ce qu'est le Grand Vin.
Un Bon Vin, nous savons ce que c'est.
C'est celui qui offre du plaisir.
Mais le Grand, est-ce celui doit doit être cher car réputé?
J'ai bu, selon ces critères des Grands Bourgogne blancs qui étaient très chers mais pas bons, car oxydatifs.
J'ai bu des Petrus, j'ai mis à chaque fois en face des Pomerols plus modestes comme l'Eglise-Clinet ou Trotanoy. Et à chaque fois c'est le plus modeste que nous avons préféré.

Je préfère donc retenir la notion d'un bon vin, tellement bon qu'il est grand quelque soit son prix

Bonne soirée,

[Lalex]

Salut Alex
Pour moi il n’y a pas de critères scientifiques, c’est juste une question d’émotions
En général moi ça me provoque une petite euphorie comme une montée d’adrénaline, je prend mon temps j’essaye de prolonger le moment ( la dernière fois avec un hermitage 2006 de chez chave

Je me retrouve dans ce que tu écris Loic.

Alex,

[Roroyaute]

Le "moment","l'instant" ou l'on déguste un vin influe t-il aussi la perception ? Je pense que oui.

Si nous sommes en train de célébrer un moment joyeux, une bonne nouvelle lors d'une réunion en famille ou avec des amis, certains bons vins ne se retrouve t-il pas non plus magnifier ?

Alors que dans n'importe quels circonstances, il serait "simplement" bon voire très bon ...

En tout cas, j'ai eu de très belles émotions avec des vins superbes sans être "immense" lors de très bons repas avec des proches.

Romain