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Être ou ne pas être un bon dégustateur de vins

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Dim 28 Oct 2018 15:45

Est-il nécessaire de suivre des "cours d'œnologie", de posséder un don, d' apprendre par cœur les décrets d'appellation pour apprécier un vin ?

« Déguster », voilà un mot bien ambivalent. Pour le gastronome , « déguster un plat ou un vin », c'est le consommer lentement avec plaisir. Au contraire , pour le bagarreur, « déguster une tarte » est un événement déplaisant à oublier rapidement. Pour le professionnel du vin, la dégustation est un exercice de concentration au cours duquel on analyse et s'efforce de décrire avec plus ou moins de détails les odeurs, les goûts et les sensations somesthésiques éprouvés. Le professionnel ne déguste pas par plaisir. Il est motivé par la décision qu'il doit prendre. Quel que soit son métier, le professionnel du vin déguste pour choisir une date de vendange , un achat, un classement ou encore une analyse à faire pratiquer.

Pourtant, nous avons souvent eu à réagir à l'allégation « c'est dingue de t'entendre décrire les vins, moi, je n'ai pas d'odorat, je ne connais pas les mots ». Excepté les porteurs d'un handicap sensoriel (tel que l'anosmie ou l'agueusie), tout le monde peut déguster ! Il n'est pas nécessaire de décrire pour apprécier. Pour reconnaître les vins et leurs caractères sensoriels, le dégustateur professionnel a consacré du temps à se former et se soumet à un entraînement permanent . Tout comme le sportif ou le musicien, il a appris les codes, fait ses gammes et accepte de s'entraîner.

Se connaître soi-même

Alors, comment devient-on un dégustateur averti ? Un point crucial est de se connaître soi-même. Nous sommes tous différents physiquement, mais nous sommes aussi tous différents « sensoriellement ». Notre génétique , notre mode de vie, notre alimentation ont façonné nos capacités sensorielles, sans cesse en évolution . Chacun doit être conscient de son aptitude à percevoir. Le bon dégustateur saura s'effacer lorsque le débat porte sur une odeur qu'il perçoit mal ou, au contraire, moduler son propos pour les odeurs auxquelles il est très sensible . Pour cela, il est nécessaire d'être confronté à des stimuli odorants, sapides ou somesthésiques et d'apprendre à relier la sensation perçue à une émotion personnelle puis finalement à un lexique acquis et partagé avec les pairs. Le professionnel déguste avec conscience.

La technique analytique du dégustateur est un autre point important. Même s'il est capable de transcrire une expérience en quelques mots –« c'est un saint-émilion », « ce vin est d'une grande élégance et d'une douceur extrême », « il est nécessaire de continuer l'élevage » –, le dégustateur effectue consciemment ou inconsciemment une série de tâches analytiques d' identification des sensations, et/ou d'évaluation, et de comparaison des intensités. Cette approche systématique a, elle aussi, été acquise par la formation. Dans un environnement neutre et calme, l' apprenti dégustateur a appris à observer l'aspect visuel tout d'abord, puis l'odeur de l'air qui se trouve au-dessus du vin dans le verre (l' espace de tête), puis l'odeur du verre agité, puis les goûts du vin, l'odeur du vin dans la bouche et enfin l'odeur du verre vide. Les premiers vins ont été dégustés en prenant le temps de porter attention à chacun de ces caractères. Tel le sportif qui apprend à décomposer le mouvement pour en optimiser chaque phase, le dégustateur acquiert l' automatisme de l'approche analytique. L'exercice régulier de la dégustation rendra cette décomposition imperceptible.

De l'analyse au concept

Par la suite , le professionnel du vin commencera à acquérir des modèles ou concepts. Instinctivement, il saura détecter les convergences entre les vins de même origine, de même qualité ou encore à des états de vieillissement identiques. Tel l' enfant qui différencie l'oiseau du poisson en repérant le bec, les plumes et l'absence de nageoires, le dégustateur saura trouver les caractères liés à tel ou tel modèle de vin. Sa connaissance conceptuelle des vins lui permettra de classer et d'évaluer les typicités.

Rien de surnaturel , donc, dans le fait de savoir décrire et parler des vins de l'on déguste. Il s'agit du fruit d'un travail de connaissances introspectives et prospectives. Gastronomes, profitez des fruits de la vigne ! Termineriez-vous cette assiette ou ce verre ? Aurez-vous de l'émotion en pensant à ce repas ? Voilà les seules questions à vous poser sans vous soucier des longs discours des techniciens qui, eux- mêmes, luttent pour conserver leur droit à s'émerveiller.

Par Stéphanie Marchand
Maître de conférences à l'ISVV, université de Bordeaux . Chercheuse et spécialiste en analyses chimiques et sensorielles appliquées à l'œnologie

Source : https://www.lepoint.fr/vin/chroniques/e ... 22_582.php
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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