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Le vin et le bio #2 - Le dur métier de leader, le cas Palmer

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 8 Août 2019 10:29

« Impossible sous nos climats… » disait-on naguère. Pourtant, de grands châteaux bordelais optent pour le bio. Pas évident avec l'année 2018 !
Par Jacques Dupont

Thomas Duroux dirige Château Palmer grand cru classé de margaux, devenu depuis quelques années une des figures de proue de la culture bio et biodynamique (comme Pontet-Canet et, depuis, quelques autres). La propriété fait figure de modèle en renouant le lien – rompu depuis plusieurs décennies – avec « l'harmonie avec la terre ». Un peu comme dans ces tableaux qui montraient la ferme idéale aux écoliers des années 1950 où tout était lié – bétail, moisson, fenaison, compost (pour ne pas dire fumier), verger, potager, etc. À Palmer, on élève des vaches et des brebis ; on replante les arbres fruitiers. On y produit surtout un très grand vin, de plus en plus pur, débarrassé des artifices à la mode dans les années 90 et 2000. Mais à quel prix ! Conduire en bio un tel domaine sous le feu des projecteurs avec des conditions météorologiques compliquées ces dernières années et sous un climat océanique à forte pluviométrie n'est pas sans risque. Palmer en tire incontestablement un bénéfice en termes d'image, mais avec un revers de médaille agaçant pour les propriétaires : en année difficile, la rumeur des chais évoque plus les pertes de récolte que le courage de ceux qui ont fait un tel choix.

Le Point : 2018, année fut une année difficile pour les bios à Bordeaux…

Thomas Duroux : À Palmer en 2018, ce fut un peu compliqué. Même si la vision est claire, la situation est un peu difficile, car on ne parle que de ça en parlant de Palmer : notre choix du bio. Je suis en train de faire comprendre qu'on est leader, que l'on nous montre du doigt. C'est un retour normal des choses. On a pris le bouillon en 2018, on ne peut pas le prendre en 2019. Si on se retrouve dans la même situation, on n'aura pas le choix. Il faudra faire une parenthèse. On est au cœur de la réflexion. L'avenir de la viticulture n'est évidemment pas le productivisme d'avant, mais de laisser vivre les sols et de produire des vins de la manière la plus simple et naturelle.

Petite récolte en 2018 et avec les restrictions décidées par la Commission européenne concernant l'usage du cuivre qui demeure la seule vraie arme autorisée en culture biologique pour lutter contre ce type de maladie, l'avenir risque d'être encore plus compliqué…

Le cuivre, c'est un débat malsain, totalement manipulé par les lobbys de l'agrochimie, il y a des questions qui se posent sur la toxicité du cuivre, les doses utilisées entre 1880 et 1965 relevaient des 30 kilos, et, pourtant les sols, ne sont pas morts, on manque d'études, mais on a nos observations. Nous, on a démontré que, sur la première parcelle convertie à la biodynamie, le niveau de cuivre échangeable a baissé en même temps que le taux de matière organique a monté. Un sol vivant qui produit de la matière organique a, jusqu'à un certain point, la capacité de digérer le cuivre, c'est cela qu'il faut comprendre. En 2018, si on avait utilisé des doses plus importantes, est-ce qu'on s'en serait mieux protégé et est-ce que cela aurait eu un impact négatif sur les sols ? Je ne le sais pas. Pour autant, faut-il que je revienne à des produits conventionnels ? On est passé très près de l'interdiction du cuivre par la Commission européenne alors qu'on a toujours le droit d'utiliser des produits CMR (substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, NDLR) en viticulture et en agriculture dites conventionnelles. Il est primordial que la recherche accélère pour donner de vraies réponses.

L'autorisation d'un produit chimique, ça existe sur l'élevage en cas de nécessité : un antibio pour sauver le cheptel. Le problème, ce n'est pas cela, c'est l'impact d'un produit. Si, demain, on démontre qu'un produit chimique est totalement neutre, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas l'utiliser. Le problème, c'est son innocuité sur l'environnement et les vignes. Il faut évidemment que la recherche évolue et change de paradigme. Chez nous, on raisonne ainsi : « J'ai un problème. Comment je tape un grand coup pour le supprimer. » En médecine chinoise, par exemple, on pense autrement : « Le but, c'est comment je reste en bonne santé et que dois-je faire pour ne pas avoir cette maladie ? » Pour la vigne, cela devrait être la même chose : comment s'en occuper pour éviter de devoir la traiter ?

Les labels sont-ils incontournables ?

La profession souffre de cette opposition frontale entre les bios et les autres : il y a des bios talibans inaudibles et des conventionnels qui se réfugient derrière la science pour refuser de parler. Il faut écrire une nouvelle page. Le label est indispensable pour être crédible. Une certification est un gage de sérieux. Je m'inscris dans un processus, je fais ce que je dis et je dis ce que je fais. Tu es inscrit dans la démarche, mais rien ne t'empêche de faire une parenthèse et de recommencer une conversion de trois ans.

Source : https://www.lepoint.fr/vin/le-vin-et-le ... 25_581.php
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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