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Neisson, une des plus grandes eaux-de-vie de dégustation

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 19 AoĂ»t 2020 19:17

Rencontre avec Alex Bobbi, le maître de chai de la plus petite et de l'une des dernières distilleries indépendantes de Martinique.

S’il est possible de produire du rhum partout, c'est en Amérique du Sud et particulièrement dans les Caraïbes que l'on trouve le rhum le plus réputé. En particulier celui des Antilles françaises, à commencer par l'AOC Martinique, unique appellation d'origine contrôlée de la catégorie. Il s'agit de rhum agricole élaboré à partir de vesou, le pur jus de la canne à sucre, contrairement à la grande majorité des rhums industriels issus de la mélasse, sous-produit de l'industrie sucrière, appelés, par abus de langage et du fait de leur antériorité, « rhum traditionnel ». Plus petite distillerie de Martinique, Neisson est l'une des deux dernières marques encore familiales. Grégory Vernant-Neisson représente la troisième génération à la tête de la distillerie qu'il gère aux côtés de sa mère Claudine. Ils produisent des rhums très recherchés par les amateurs et leur rhum blanc est considéré comme l'un des meilleurs du monde. Nous avons rencontré Alex Bobbi, maître de chai. Après avoir travaillé dans l'univers du rhum en tant que conseiller technique auprès des distilleries, il a intégré Neisson en 2001.

Le Point : Le rhum est très à la mode depuis quelques années, comment se situent aujourd'hui les rhums de Martinique par rapport au reste de la production ?

Alex Bobbi : En un peu plus de 20 ans, l'AOC Martinique a tout changé. D'abord par rapport au regard des consommateurs : avant les gens n'allaient pas visiter les distilleries, aujourd'hui le rhum de Martinique est un vrai produit de terroir, comme le vin, et puis c'est le seul rhum d'appellation. Le cahier des charges impose des règles strictes, par exemple l'emploi de sucre est interdit, mais certains ont tendance à imiter les rhums sucrés et parfumés très à la mode comme on en trouve en Amérique du Sud… c'est dommage, comme on est aux Antilles, ils jouent sur l'ambiguïté. Moi je ne ferai jamais ce type de rhum, on peut toujours, si on veut jouer en dehors de l'appellation, mais on crée le doute. J'ai connu l'époque où on ajoutait des pruneaux, « vieux », ça voulait dire foncé… je ne suis pas d'accord. La qualité de mes rhums vient strictement du processus d'élaboration, le climat, l'état de la canne à sucre, la fermentation, la distillation, l'élevage, tout compte.

OĂą en ĂŞtes-vous de votre passage au bio ?

La conversion a commencé en 2013. Bien sûr, elle n'est pas imposée par l'AOC, mais ça va dans le sens du respect et de la valorisation du terroir, c'est cohérent. Aujourd'hui, on cultive 7 hectares en bio et le reste, 40 hectares, en agriculture raisonnée, mais petit à petit le but est d'aller vers le bio. On a réduit par trois les traitements, par exemple on utilise des plantes de couverture dans les inter-rangs pour éviter les mauvaises herbes. Le glyphosate, c'est terminé depuis 3-4 ans. On peut travailler sans, mais il faut le vouloir, le coût est élevé, il faut plus de main-d'œuvre, l'arrachage de l'herbe se fait manuellement. Faire du bio en pays tropical, ce n'est pas simple, il y a beaucoup d'humidité, la nature ne se repose jamais. De plus, avec le bio, on est passé à 30 tonnes par hectare pour 70 tonnes en conventionnel, et maintenant ça remonte un peu. Les plantes se sont habituées, elles reproduisent autour de 50-60 tonnes.

Vous faisiez le parallèle avec le vin, parlez-nous de la canne à sucre.

On trouve une quinzaine de variétés de canne à sucre dans l'AOC, j'en utilise autour de cinq. On travaille sur la notion de terroir, il faut des cannes adaptées à nos sols, j'adore par exemple la canne bleue, une variété très adaptée au terroir d'ici, au nord de l'île, et pas du tout au sud. La canne, c'est une graminée qui va être très sensible au climat, dans les zones où il pleut beaucoup ça va diluer le jus, il faut donc des variétés qui s'adaptent au terroir et au climat. Au final, c'est au niveau des fermentations que l'on fait la différence si on ramasse une matière première de qualité. La fermentation, c'est 80 % du produit. On a isolé les levures indigènes à partir de nos propres cannes. On fait fabriquer notre levure à partir de cette souche. Ça fait la différence, j'ai essayé des levures œnologiques, de boulangerie, la levure de nos cannes, ça c'est la signature Neisson. C'est notre marque de fabrique.

Votre rhum blanc est très réputé, qu'en est-il des rhums élevés en fûts ?

C'est vrai, notre rhum blanc a fait notre réputation, mais on produit également des rhums vieux qui sont tous prés-vendus… à l'export, la Maison du Whisky à Paris. Le vieillissement fait toute la différence. Bien sûr, comme pour le sucre, il est possible de rajouter de l'essence de chêne en solution hydroalcoolique pour élaborer un rhum, ça renforce le goût de bois et ça donne de la rondeur. Nous, on ne fait pas ça non plus, on est dans la logique de l'AOC, il faut savoir ce que l'on veut. On a longtemps travaillé avec des fûts de bourbon et de cognac, aujourd'hui on choisit nos bois et on fait fabriquer nos propres fûts avec un niveau de chauffe bien précis (brûlage à la surface intérieure du fût durant la fabrication), qui donne exactement le résultat aromatique que l'on souhaite. On est proche d'un rhum vieux sans qu'il soit très vieux.

Par Olivier Bompas
Le Point
Pour les dégustations : https://www.lepoint.fr/vin/rhum-neisson ... 08_581.php
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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