par Laurent Saura » Dim 7 Fév 2010 15:56
PLAIDOYER POUR LA RAFLE
Ceux qui me connaissent savent que je la défends.
Pourtant,j'ai passé de nombreuses années avant de m'apercevoir que c'est un élément essentiel de mon plaisir.
J'ai intégré "les Vinosophes" de Christophe en Novembre 2002,et j'ai,avec ce club, commencé à déguster avec assiduité et passion.Cela va donc faire 8 années de pratique régulière à la fin de l'année 2010.Et j'ai un goût très sensible qui se dégage aujourd'hui nettement:les vins vinifiés en vendanges entières.
J'en ai pris conscience il y a deux ans,lors de l'un de nos nombreux voyages dans le Rhône.
Récemment,IDÉALWINE m'a envoyé le livre de Linda Grabe sur le vin et le type de buveur que j'étais...j'avoue avoir consulté la page "épicurien" assez souvent.Certes, la philosophie d'ÉPICURE m'a toujours attirée...Mais de là à ce que ça se traduise par mon rapport avec le vin...
Et pourtant,la rafle,elle apporte tant de choses à notre breuvage préféré:
-une partie des tanins avec leurs polyphénols acides,de l'eau à 80%,de la potasse,du fer...
-avec pour conséquence sur le vin:une petite dilution,une augmentation du volume,une moindre couleur,une baisse du degré alcoolique,une protection contre l'oxydation des autres composés du vin (et on sait que l'oxydation des êtres vivants contribue à leur vieillissement).
-Bref,un vin qui vieillit plus lentement,plus digeste,plus "buvable",moins "concours" certes,mais peu m'importe...
Alors je pense à la région que je pense connaître le mieux...le Rhône.
Pourquoi j'aime les vins de Rostaing,de Jamet,de Stéphane Ogier(en grande partie),de Clape,de Faurie,La Landonne de Guigal,les vins de Clusel,Rayas,Charvin,Tardieu,Saint Cosme,Levet...et j'en passe et j'en oublie...
Et je pense aux vins de pinot noir qui m'ont bouleversé,lorsqu'ils étaient vinifiés sans égrappage.
Et je pense aussi aux vins de Bandol,qui sans être égrappés,ont attiré mon attention de jeune dégustateur(Pradeaux et les vieux Lafran-Veyrolles)
Et alors j'en arrive à ma région de naissance...Bordeaux.
Quelle mode n'a-t'elle pas influencé la génération des nouveaux viticulteurs pour se séparer ainsi d'un élément essentiel de mon plaisir.Pourquoi depuis plus de 20 ou 30 ans,je ne sais pas vraiment,l'éraflage à Bordeaux est quasi-systématique.
Je sais qu'il a commencé avec les cabernets sauvignons,pour les rendre plus tendres,moins acerbes,moins âpres,lors des dégustations primeurs.Il s'est poursuivi rive droite avec les merlots,leur donnant encore plus de couleur et d'alcool,brèche dont se sont engouffrés de nombreux viticulteurs,avides de reconnaissance "Parkérienne"...Dieu sait si ce personnage,à mes yeux,a complètement bouleversé les vinifications à Bordeaux,avec ses critiques,qui ont tellement influencé le marché à Bordeaux.
Je vais peut-être un peu loin,mais comment ne pas y penser:j'ai la chance d'exercer un métier dans une ancestrale région viticole,qui me permet de discuter avec des anciens viticulteurs,qui vinifiaient tous leurs cépages "à l'ancienne",souvent donc en grappes entières,quels que soient la qualité du millésime,ce qui donnait au départ des vins durs,astringents,peu propices au plaisir immédiat,mais qui se révélaient fabuleux au vieillissement.
J'ai eu ma première émotion avec un Côtes de Bourg de 1974,vinifié par Jean Ferraz et son château Gravettes-Samonac.Mon père,à l'époque,en avait acheté 240 bouteilles.Il me disait qu'à la propriété,lors de l'achat,le vin était imbuvable.Mais l'expérience de nos anciens lui avait fait acheter tout ce volume.Bravo!Je me souviens avoir eu du plaisir avec ce vin,ouvert sur l'entrecôte bovine dominicale,dans les années 80,avant que la passion du vin ne s'empare de moi.Aujourd'hui,ce vin est mort,sauf pour certains,probablement.
Alors je pense aux grands vins de cabernets du Médoc,vinifiés comme ils le sont aujourd'hui,seront-ils à la hauteur des espérances de nos enfants dans 50 ans,comme certains de nos contemporains peuvent avoir ces jours plaisir à jouir d'un Mouton Rothschild 45 ou d'un Petrus 1929 ?
Je me pose la question,d'autant plus que mes juvéniles rencontres avec de grands vignerons qui vinifient leurs vins en vendanges entières,sont assez catégoriques sur la question...se passer de la rafle est une hérésie qui prive le vin d'une fraîcheur et d'un potentiel facile à exploiter.
Probablement les effets d'une mode.Celle de plaire vite,au détriment de la durée de vie du vin.C'est dommage à Bordeaux...sincèrement,je glorifie le Rhône et la Bourgogne de ne pas succomber à cet effet de mode.Merci à eux!
Chacun est libre d'exposer son expérience sur cette question,qui me tient à coeur,je serai heureux de les lire...
Merci.
BAREME DE NOTATION 19+ À 20:VIN MYTHIQUE 18+ À 19:VIN EXCEPTIONNEL 17+ À 18:TRÈS GRAND VIN 16+ À 17:GRAND VIN 15+ À 16:TRÈS BON VIN 13+ À 15:BON VIN 11+À 13:VIN MOYEN 10 À 11:VIN FAIBLE MOINS DE 10:VIN DÉFECTUEUX