Les généralisations en matière de profils psychologiques sont rarement pertinentes. Pourtant, l'approche d'une majorité d'amateurs de vins reste essentiellement binaire, partagé entre le "Top" et le "Bof". Malgré les efforts communication effectués par des prescripteurs de talent sur tel ou tel vin délectable, les effets commerciaux en aval restent, somme toute, relativement marginaux. Finalement, le critère essentiel motivant la décision / non-décision d'achat des amateurs - consommateurs reste, encore et toujours.. la qualité générale du millésime!
Nos amis bordelais l'ont bien compris durant la dernière décennie, avec une inflation sidérante de millésimes qualifiés "du siècle". Car sans cette légitimation prestigieuse, le réflexe de base de l'acheteur confine au rejet basique pur et dur des vins contemporains du malheureux millésime amputé d'un ou deux macarons.
Sur la décennie écoulée, voici en gros ce que ça donne dans le cerveau reptilien de certains "amateurs" de Grands Crus bordelais:
- 2000: J'achète! C'est le premier millésime du millénaire avec les trois zéro sur l'étiquette. Ah en plus, c'est bon?
- 2001: Je passe! Une année de chats maigres.. je passe mon tour!
- 2002: Je passe! En plus, Bob ne s'est mĂŞme pas rendu aux primeurs..
- 2003: J'achète! Enfin du bordeaux mûr, sirupeux à la texture proche de mon Latte Macchiato matutinal..
- 2004: Je passe! Pask'ils ont fait du vin cette année?
- 2005: J'achète! Et tous mes bonus de fin d'année y passent
- 2006: Je passe! Pfff.. même pas un 100/100 cette année..
- 2007: Je passe! Et je crache dessus..
- 2008: Je passe! Beurk.. c'est tannique..
- 2009: J'achète! Et merci au compte épargne servant à financer les études de mon fils
- 2010: J'achète! Et j'hypothèque la maison..
- 2011: Je passe! Ah, c'est du "2008 (ou 2001)-bis"?
Cette approche binaire, répliquée à l'échelle de la planète d'amateurs (et spéculateurs) du monde entier, a pour conséquences de faire exploser les prix des millésimes "j'achète" et de laisser des montagnes d'invendus sur les bras des négociants, distributeurs ou cavistes pour les millésimes "Je passe".
Pourtant, la décennie écoulée a permis l’application de progrès considérables, permettant de "sortir" des vins de très haute qualité, même dans des millésimes moyens. Citons pêle-mêle les approches parcellaires des vignobles, les soins accrus apportés aux vignes, un meilleur respect phytosanitaire, la limitation des rendements, les techniques de tri toujours plus sophistiquées lors de vendanges, les vinifications adaptées au profil des vins, sans parler de la séparation entre le premier vin - représentant parfois moins de 50% de la récolte, et le second vin, réservé aux raisins jugés de qualité insuffisante pour entrer dans la première étiquette du domaine.
Et de nombreuses dégustations comparatives à l'aveugle le confirment, avec des différences gustatives de plus en plus ténues entre les millésimes prestigieux (et souvent hors de prix) et certaines années (injustement) délaissées. Par exemple, les initiés se régalent aujourd'hui de nombreux crus estampillés 2001, certes un peu ingrats dans leur jeunesse, mais tellement racés et expressifs aujourd'hui. Même constat pour nombre de 2002, actuellement très réjouissants sur la Rive Gauche. Pour sûr, 2006 et 2008 adopteront un profil similaire d'ici 3-5 ans.
Certes, l'amateur futé devra faire un peu de prospection et bien se renseigner sur les domaines qui travaillent sérieusement et de manière intègre. C'est au prix de ce travail de sélection qu'il pourra enrichir sa cave de vins splendides.. sans avoir forcément besoin de se saigner financièrement aux quatre veines.
(texte original: http://blog.boottle.fr/2012/04/20/quali ... terminant/)