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Corton

Messagepar Patrick » Sam 20 Oct 2018 19:27

A bien des égares la commune d'Aloxe a été contraintes de partager "son" Corton avec ses deux voisines de Ladoix et Pernand. Ces deux communes joignantes de son finage lui ont largement fait plier le genou pour s'approprier le nom du prestigieux Cru auquel elles n'avaient historiquement pas droit. Cette forme d'imposture admise de nos jours est née au début du vingtième siècle lorsque le parlement a décrété une loi autorisant les tribunaux à procéder à la délimitation des appellations contrôlées. Ainsi, depuis de nombreuses années les crus sélectionnés par le négoce de la place de Beaune "à la tasse" étaient classés sur la qualité avérée des vins une fois vinifiés et il était d'usage constant de largement puiser dans les communes limitrophes pour "multiplier" la production sans, pensait-on, léser l'acheteur.

Ces "vins de classe" n'avaient toutefois pas les mêmes cahiers des charges que ceux qui de nos jours sont issus d'origines déterminées selon des règles définies par avance. En somme aujourd'hui le sol confère le nom là où il y a moins de cent ans la qualité de ce qui était produit conférait un nom à la cuvée sans que l'on soit trop regardant sur l'origine elle même! On comprend aisément pourquoi, au moment de classer les sols, les syndicats qui se sont créés dans les années 1920 ont eu la volonté de poursuivre la vente plus lucrative de vins de "premières classes"/ Grand Cru plutôt que de "villages" ou " premiers crus" écoulés avec Ladoix ou Pernand comme village de référence. Aloxe tenta de se rebiffer en ne voulant admettre que le Rognet de Ladoix dans un premier temps et en laissant "Charlemagne" à Pernand sans lui adjoindre le précieux sésame "Corton"...l'affaire fit grand bruit, les syndicats communaux se déchirèrent, les jugements se succédèrent et sans entrer dans toutes les arcanes de ce feuilleton qui anima longtemps le beaunois, un terrain d'entente fut trouvé en attribuant à chaque commune des secteurs Grands crus estampillés "Corton".

Durant tout le vingtième siècle les communes de Pernand et Ladoix ne cessèrent d'étendre leurs "pré-carrés en Corton" et des sols aux valeurs agrologiques moindres obtinrent des accessits à tous le moins généreux. Nous y reviendrons lors des chapitres concernant ces finages mais il me paraît évident aujourd'hui que pour comprendre les crus de cette commune et leurs incroyables potentialités, il faut les re-classer selon une logique plus rigoureuse, en déterminant une hiérarchie qui auraient dû apparaître dès l'origine des appellations. Elle en tirerait aujourd'hui un prestige mérité qui s'est quelque peu dilué de nos jours. Hélas, car ce grand Cru à son meilleur est incomparable.



Corton "Premiers" Grands Crus:

Des "classes" existent dans l'imaginaire des producteurs communaux et pas un je crois ne sait que la trilogie "Clos du Roi, Renardes, Bressandes" forme un rectangle unique qui porte en lui la meilleure partie de l'esprit du Cru. Vous lirez sur le site une analyse détaillée de chacun d'eux où leurs caractères respectifs sont isolés car je pense qu'ils méritent d'être reconnus à l'égal des meilleurs dans des chapitres qui leurs sont dédiés. Selon une classification de type bordelaise qui sied parfaitement à la colline, ces trois climats pourraient largement avoir le droit au titre de "Corton premier grand Cru".



Entre mythe et réalité: Le Corton Clos du Roi

Envisager le Clos du Roi de Corton en un texte concis est une bonne manière de montrer que je n'ai que fort peu de goût pour les légendes invérifiables qui embellissent la vérité afin d'en tirer profit. Celles qui entourent le Corton sont innombrables et la constance avec laquelle elles mettent en avant "l'historicité romantique" de cette grande colline devrait être négligée et combattue.

Ainsi une des premières affirmations que l'on retrouve dans les considérations récurentes sur la colline est qu'elle serait le trait d'union entre la Côte de Beaune et la Côte de Nuits. Rien ne me parait plus faux, tant le substrat qui la compose, l'altitude où ses grands crus se trouvent, la pente qui les caractérise, son influence éolienne et sa morpho-géologie générale en font "un monde à part" très étroitement lié au beaunois.

Son histoire est d'ailleurs entièrement liée au puissant négoce de la place de Beaune qui par nombre d'aspects a ici réussit à imposer une vision de vins de "classe" plus que de crus singulièrement identifiés et identifiables. Grand cru rouge du beaunois, unique et pourtant constellé de climats pouvant tous être Corton en même temps que localisés par le nom ancestral de son cadastre, il est un Janus qui, "improbablement", aurait des faces différentes en même temps qu'une nature unique. Le petit village d'Aloxe ne s'y est d'ailleurs pas trompé au moment de changer de patronyme en le complétant avec le nom de son meilleur cru, il a simplement et logiquement choisit Corton. Longtemps d'ailleurs il a refusé d'octroyer ce nom a ses voisines de Pernand et de Ladoix et les bagarres syndicales furent sévères au moment de désigner quelles terres auraient droit au prestigieux épithète de Corton. Heureusement le célèbre Clos Charlemagne chevauchait de longue date Pernand et Aloxe, sinon...comme le nez de Cléopâtre, cela eut pu changer la donne!

Ainsi sans prétendre à l'omniscience je vous livre ici quelques faits historiques avérés:

Nous sommes certain que les coteaux d'Aloxe, Pernant et Ladouée ( sic)sont en culture depuis le septième siècle car les évêchés environnant conservent des traces d'échanges de biens ou de frais liés à leur entretien. Comme souvent alors, les biens ecclésiastiques sont octroyés par le pouvoir en place et travaillés par des bras paysans. Ainsi, en 858, Modoin évêque d'Autun, cède ses terres de famille noble à la cathédrale qu'il dirige et ce sont les bras du vigneron Jonas qui s'occupent de celles-ci. Dès cette époque les coteaux sont divisés en quartiers qui correspondent à des entités cultivées par les ordres ecclésiastiques, la propriété nobiliaire et celle moins conséquente des notables bourgeois.

Il y a dès lors des lots - clos ou non - qui sont propriétés ducales car la Bourgogne est sous la domination de ceux ci. Peu enclins à poser genoux à terre devant leur suzerain roi de France en laissant des revenus leur échapper, ils afferment ces terres en les faisant cultiver pour en vendre le fruit et en consommer le vin. Il est ainsi assez vain d'imaginer qu'ils nomment ces terres " Clos des Ducs " à ce moment là. D'autant qu'Aloxe ne possède aucune construction ducale et que le vin est acheminé par chariots à l'hôtel des Ducs de Beaune, la voisine. On comprend aisément que le raccourci communément admis consistant à signifier que ces derniers soient devenus les " Clos des Roi " que nous connaissons aujourd'hui n'a guère de sens. Ce sont des vignes ayant appartenu au roi après avoir été celles des Ducs... nuance.

L'histoire nous apprend que les grands Ducs de Bourgogne dominent la région de 1363 à 1477 soit une période - la Toison d'Or - qui est éloignée des empereurs carolingiens de près de sic cents ans! Charlemagne est couronné en 800 et son père possède ces terres d'Aloxe par l'entremise de la Cathédrale de Saulieu dont il est suzerain. On pourrait imaginer ici que la générosité carolingienne a conduit ses rois à doter les établissements ecclésiastiques. Que nenni! C'est essentiellement Charles Martel - grand père de Charlemagne - qui a confisqué des terres aux bourguignons pour les attribuer aux religieux de Saint Andoche de Saulieu car il leur reprochait de s'être trop tièdement battus face aux Sarrazins à Poitiers! On le voit la grande histoire résiste aux images d'Epinale naïves qui seront créées de toute pièce quelques siècles plus tard.

Sur le plan cultural on observe avec acuité que c'est au cours de cette époque que le cépage pinot - sous une forme sans doute plus rustique - évolue progressivement vers le pineault ou pineau fin bien plus souvent baptisé "noirien" du Beaunoy. La terre de Corton est progressivement défrichée et représente pour la part ducale environ 100 ouvrées (4 hectares) en exploitation à la mort de Charles le Téméraire en 1477. Louis le onzième - probablement sans véritablement le savoir tant la domination politique lui est plus importante - voit alors ses terres cultivables lui échoir, les paysans restant évidemment en place et rien ne change véritablement pour eux en dehors de la "destination" de ses fruits du "Courton" comme on l'appelle alors. Cela se fait difficilement car la couronne royale n'est pas la bienvenue en ces contrées.

Le Clos du Roi n'est à ce moment qu'un simple lieu-dit dont l'usage est essentiellement oral et qui est considéré avec Renardes et la partie basse du Corton originel (les vignes situées au dessus de ces deux climats sans aller jusqu'aux vignes sous le bois qui sont méprisées) comme la meilleure partie des vins d'Aloxe car elle regarde directement le levant et se trouve en terre de "milieu" sur le coteau. Près de 300 années de misère s'écoulent et les vignes royales sont bien mal entretenues jusqu'à la révolution française qui se fera un devoir de revendre les biens nobiliaires - et donc royaux - non sans entériner, pour mieux vendre la parcelle, des usages constants et loyaux attribuant officiellement à la parcelle le nom de "Clos du Roi-Corton". La parcelle passe toutefois de 4 à près de 10 hectares circonscrit entre Pougets Languettes, Bressandes et Renardes... Et n'a probablement jamais été ceinte d'un vrai mur! Comme en Conti des Sans-Culottes se servent de la " noblesse" d' une terre pour la vendre plus chère selon 7 lots identiques. Pour le moins surprenant!

Dans le courant du Dix Neuvième siècle le banquier Ouvrard - qui possède le Clos de Vougeot entier et la Conti entre autres! - réussira à remembrer la quasi intégralité du cru puis il sera divisé à la fin de ce même siècle qui le connaîtra sous le nom de Clos du Roi-Corton uniquement. Puis le phylloxera passera par là avant de voir le Corton replanté en règes rectilignes sur des portes greffes américains et d'être classé grand cru au milieu des années 1930. Ainsi pour la première fois, juste avant la seconde guerre mondiale, naît le Corton Clos du Roi.

Pourquoi ne l'avoir nommé Clos du Roi Corton? Et bien simplement car le Corton est déormais officiellement situé sur 3 communes et que son identité première est le cru, qui dès lors est mis en avant...simple non!!? J'en vois certain sourire.

Clos du Roi mesure 10,74 hectares et forme un - quasi - parfait rectangle orienté à l'Est sur une pente ferme comprise entre 270,04 et 320,52 mètres. Son sol du bathonien chargé en oxyde de fer et fait de laves qui se délitent confère aux vins une nature rude et athlétique qui évoque le Champans de Volnay ou le Rugiens de Pommard avec une noirceur de fruit plus prononcée et une impression de plénitude encore plus forte parfois. Climat très homogène, parfaitement drainé et moins marqué par le calcaire que ceux du nuiton, il livre une partition sombre, ombrageuse et d'une rare intensité tannique et demande de la patience. Peu de crus ont cette forme austère et cette ligne générale puissante qui pourtant n'a absolument rien de terrienne. En effet les Corton sont des vins solaires qui captent à merveille la lumière et les vents grâce à une altitude élevée à ce niveau d'appellation et grâce à la bonne inclinaison de son coteau large, régulier et parfaitement filtrant qui draine les eaux de pluies et capte les sels minéraux qu'elles libèrent. De ce fait même il se positionne dans la commune comme un cru plutôt élégant et fin. Curieuse impression qui ne doit jamais faire oublier qu'il est toujours plus ferme et tannique que tous les crus du nuiton et du beaunois réunis en dehors de Nuits et Pommard. Il est un peu le Cailles de Nuits mais plus sûrement équilibré comme la partie supérieur des Epenots de Pommard.

A l'évidence Clos du Roi est un vin paradoxal car sa maturité de climat solaire n'est pas celle d'un cru chaleureux, tout au contraire, sa situation médiane haute laisse poindre des accents aromatiques fruités qui jouent sur un registre discret en faisant bonne place à une expression épicée d'une très fine subtilité. Les zones marneuses et cette terre imprégnée de potasse expliqueraient elles ce caractère quelque peu sauvage? Sans doute car ce vin de race, altier et dominateur est destiné à la maturation sous verre. Il ne pardonne jamais aux vinificateurs qui le sous-estiment et veulent forcer sa nature en cherchant le muscle ou - à contrario - en développant artificiellement une expression euphémisée d'une incongrue et inutile délicatesse. La vendange entière lui sied à merveille et sa chance est de souvent être complanté de plants fins qui autorisent ce mode opératoire complexe à mettre en œuvre mais si gratifiant lorsque cela est réussi. Je me souviens d'un éblouissant Clos du Roi 97 de Sénard qui transcendait encore la dimension du climat et puis d'autres jeunes, vieux, très vieux parés des atours nuancés et finement "réglissés/ligneux" de raisin non égrappés qui peuvent illuminer une cuvée.

De nombreux grands crus possèdent des terres de nature et de valeurs agrologiques variables, ce n'est pas véritablement le cas en Clos du Roi, même si la partie supérieure est plus fortement inclinée et qu'elle ressuie plus vite. Le sol de "laverottes" est assez homogène, sombre et semble marquer tous les vins d'une égale signature avec une profondeur de texture digne des meilleurs Richebourgs vosniers mais sans ses accents floraux et son infinie douceur. Cru du Beaunoy très affirmé il ne ressemble donc en rien aromatiquement à ses pairs du Nuiton ou du Sud de Beaune et pourrait même, je crois, perturber le dégustateur qui y est habitué car sa complexité provient des ses aspérités tanniques et de son équilibre très original centré sur une musculature saillante, une acidité discrète et une expression aromatique qui met les fruits frais en retrait. Point de griotte ou de fraise des bois à Corton mais en revanche cette sensation de croquer dans une mûre sauvage qui vient juste d'arriver à maturité en y associant des effluves de poivre blanc, de pivoine et d'un rien de cannelle...Corton est un grand seigneur et Clos du Roi son représentant le plus vibrant du côté de la puissance maîtrisée car il n'a pas la sauvagerie de Renardes voisines ou la texture plus souple du Bressandes en dessous de lui.

Je vous recommande ceux de Sénard, De Montille, Dubreuil-Fontaine, Guyon, Maratray-Dubreuil et Chandon de Briaille. Tous ont en commun le caractère séveux de ce grand cru de très haut niveau.



Le Corton-Renardes:

Corton est le plus vaste des grands crus bourguignons. Il englobe la quasi totalité de la fameuse "Montagne de Corton" que se partagent les villages de Pernand-Vergelesses, Aloxe Corton et Ladoix-Serrigny. C'est une appellation assez difficile à appréhender car elle mêle des expositions variées, des substrats géologiques différents, des cépages multiples, des noms différents sur un même climat et cerise sur le gâteau a le droit de s'exprimer en blanc et en rouge sur toutes ses parcelles! Et encore cela serait-il simple si certains blancs n'avaient le droit de se nommer en quelques endroits "Corton-Charlemagne" et en d'autres "Corton blanc", voire "Charlemagne" seul...Le consommateur peut y perdre son latin et a bien du mal à distinguer en moyenne une vraie unité dans cette complexe "mer" de vignes.

Pourtant les vins ne manquent pas d'atouts, tant ils peuvent transcender leurs sols et s'exprimer avec une puissance tellurique inouïe. Ainsi produit-on ici sur certaines parcelles les rouges les plus corsés que le cépage pinot noir peut engendrer, aussi denses que les Chambertin et intenses que les Richebourg vosniers, avec un "je ne sais quoi" de plus sauvage et de moins raffiné, mais également avec un potentiel de longévité hors du commun.

Placé sur des sols argilo-calcaires bruns mêlés d'oolithe ferrugineuse et de fragments d'amonithe de l'oxfordien, le pinot noir s'épanouit ici sur un substratum de première qualité. Le coteau est exposé au levant, bien draîné, pentu en sa partie haute( Le corton) et moins incliné à partir des parcelles médianes et basses( renardes, Bressandes et Clos du roi). C'est un des endroits qui procure le plus de robustesse au très délicat pinot noir et il semble que de tout temps on l'ait considéré comme un très grand vin de garde.

Renardes est le plus racé et le plus personnel des crus de la montagne de corton. Une capacité de garde qui le place dans les crus les plus inoxydables de bourgogne.Sauvage et fumé il est masculin et demande un peu de temps avant de se livrer. Positionné au milieu du coteau sur le finage d'Aloxe Corton, il borde les Cortons positionnés sur Ladoix au Nord et surplombe le très qualitatif Bressandes. Zone de faible pente, caillouteuses, marquées par des argiles à larges feuillets et bénéficiant d'une superbe orientation vers l'Est, il mûrit toujours bien et ne souffre que fort peu souvent de la pourriture.

Pour illustrer mon propos j'ai ouvert deux vins de propriétaires situés à Chorey les Beaune, un 2010 de Maillard et un 2011 de François Gay.Bien entendu ils ne viennent que conforter de nombreuses impressions anciennes dont les bouteilles couvrent la période 1929 -2012.

Ce qui est fascinant est sans aucun doute la permanence aromatique de ce vin qui est invariablement marqué par des notes épicées mêlées à une très subtile animalité sous jacente. Ce petit côté sauvage ne dérive jamais - lorsque la bouteille est aboutie - vers des accents foxés vulgaires qui tirent l'olfaction vers la venaison ou la fourrure humide, il s'agit alors de défauts de vinifications ou plus souvent d'une évolution déficiente en raison d'un bouchon défectueux ou d'une mauvaise entreposition.

Un Renardes est avant tout un vin puissant et dominateur à l'épaisseur tannique affirmée et au grain tactile dégrossi sans être parfaitement poli, surtout lorsqu'il est jeune. Ce vin de sève demande à fondre sa matière et les deux exemples qui me servent en sont de vibrant témmoins. Sur une année concentrée comme 2010 ou plus fluide comme 2011 le cru conserve ce côté un peu anguleux sans pour autant perdre sa race affirmée. Moins "Côte de Beaune" qu'un Savigny ou un Volnay, il n'a pas non plus l'expression fraîche des crus du nuiton sis en milieu de pente, il fait un peu penser - au niveau de son équilibre - à certain Hermitages - dont le Méal - produit beaucoup plus au Sud.On le servira avec des gibiers en sauce et même si la mode est aujourd'hui passée il fait un excellent compagnon pour le fromage.

Je le tiens pour l'un des cinq vins rouges de Bourgogne ayant la plus grande longévité potentielle.

Corton Bressandes:

10351082_822761297780682_1742277480956534152_n.jpg On imagine aisément les pentes abruptes de la Montagne de Corton, ce rognon de terre coiffé d'une épaisse chevelure de résineux se caractérise par des pentes larges et fortes qui forment une mer de vignes sur lesquelles s'articulent différentes vagues de ceps formant des blocs distincts qui constituent les crus. Ainsi Bressandes est au pied de Clos du Roi et des Renardes, là où les plissements du terrain forment une sorte de long rectangle régulier qui pourraient faire penser à un cru de plaine.

N'a t'il d'ailleurs pas été cultivé par des gens du plat pays de Bresse?

La légende est belle mais On ne le sait véritablement car ce nom récurrent dans le beaunois pourrait aussi avoir été attribué par les abbayes et moines réguliers qui ont mis en culture ses lieux selon des quartiers qu'ils ont à coup sûr identifiés. Est-ce un hasard si Bressandes, Clos du Roi, Grèves et Perrières sont tous des noms que l'on retrouve à Beaune la cité voisine? Sans aucun doute non. Mais bien malin qui aujourd'hui saura retrouver les origines de ces noms de crus!

Bressandes est un cru qui n'a historiquement jamais eu la notoriété des vignes du Roi ou des Renardes mais il est patent que le Clos Charlemagne originel - qui mesurait moins de trois hectares! - non plus! Le Corton d'Aloxe est un vin rouge corsé et à peu près uniquement cela jusqu'au moment ou le phylloxera ravage la colline, soit à la fin du 19ieme siècle. Son vin blanc est modérément estimé et ses Bressandes considérées comme une très bonne cuvée, pas une "grande".

Toutefois ces classements de "climats" historiques ne sont guère pris en compte par un marché qui évalue ses vins "à la tasse", c'est à dire en fonction de leurs qualité gustatives avérées, ce pour chaque millésime. De surcroît les communes voisinent d'Aloxe prennent l'habitude de vendre leurs meilleures cuvées en Corton et jusqu'au milieu des années 1930 - soit avant la législation des appellations d'origine - le cru de Corton est un cru de sélection et la plupart du temps d'assemblage. Bressandes est avec ces deux voisins du dessus parfois identifiés mais il n'a pas la réputation de ceux-ci et Lavalle au milieu du 19 ieme siècle le positionne en première cuvée alors que Clos du Roi - Corton et Renardes - Corton sont " Hors Lignes". Voilà qui est à l'évidence fort juste.

Le syndicat d'Aloxe militera d'ailleurs pour un Corton restreint à son finage et avec la volonté avouée de ne pas y associer les finages de Pernand et Ladoix. Cela débouchera sur une guerre de personne et juridique extrêmement nourrie qui verra de nombreux vignerons monter au créneau pour défendre leurs idéaux et bien entendu leurs intérêts. La guerre mondiale, le temps, les changements de génération et sans doute aussi une vision plus productiviste d'après seconde guerre mondiale aboutiront à un très large découpage qui classera la quasi intégralité des grands et premiers crus naturels de la montagne sur la plus haute marche d'un podium n'en comptant qu'une!

Ainsi Bressandes est sans doute plus un "super premier" qu'un "vrai grand" et les prix où il se vend le positionnent finalement bien mieux que son classement dans la hiérarchie du Beaunoy.

Mesurant 17,42 hectares il est officieusement le plus grand cru de la Côte de Beaune et sans doute l'un des plus accessibles car sa diffusion est loin d'être confidentielle. Zone orientée plein Est formant un replat au dessus des Maréchaudes il est composé d'une terre ferrugineuse fort caillouteuse. Chargé en potasse le substrat est encore assez filtrant et c'est un secteur qui réssuie vite en évitant aux fruits de se gorger d'eau. À une altitude moyenne de 260 mètres il a incontestablement un potentiel de cru racé et parfumé sur un registre assez élégant dans le contexte de la Montagne.

Il a aussi pour lui de s'ouvrir assez tôt et de libérer des arômes insinuants de pruneaux et de réglisse finement fumés sur un corps svelte et harmonieux. Cru régulier qui évoque le Champans Volnaysien et plus encore pour ces notes épicées le Pezerolles de Pommard. Mais soyons clair ce cru est avant tout un Corton et il préserve de ce fait une certaine noirceur dans son fruité et un grain tannique un peu sauvage et austère.

J'aime les vins du domaine Jacques Prieur d'une profondeur toujours incroyable, le style de Nadine Gublin magnifie le Cru et puis aussi les superbes vins du domaine Edmond Cornu de Ladoix et de ceux dont vous observerez les étiquettes en bas de cet article. Régulièrement des vins sensuels et pleins.





Corton "Second" Grands crus

Après l'indéniable podium précédent, des lieux-dits peuvent être considérés comme de vrais Grands crus potentiels ne méritant toutefois pas de faire figurer une origine précise sur leurs étiquettes. Tous peuvent bénéficier de la qualité d'un bel assemblage de différents secteurs. De fait, l'usage veut que ces cuvées soient moins fréquemment revendiquées. Une forme de sagesse à saluer.

Corton Les Paulands:

la Colline est "pentue", large, profonde et comporte une partie médiane où la déclivité s'abaisse pour faire apparaître ses meilleurs secteurs à Vignes. Dans ce périmètre orienté plein Est qui verse doucement en direction de la plaine et qui inclut Clos du Roi, Bressandes et Renardes est encore situé le petit "Paulands". Ce petit carré d'un peu plus de un hectare positionné dans le prolongement des Maréchaudes vient mourir sur les premières pentes Nord-Sud du bon premier cru Valozières et se situe juste sous les Bressandes. Pourtant son sol plus argileux et moins calcaire avec des nuances gréseuses le distingue nettement de ses pairs. Non à cause de sa position plus basse, car son drainage est optimal mais surtout car il développe une nature giboyeuse et sauvage qui parfois le font comparer - à tort! - aux Renardes. Il n'en a toutefois ni la puissance, ni le côté austère et en dépit de son fruité noir prononcé se comporte plus comme un vin à la présence plus immédiate. Bouqueté et charnu il préfigure les Maréchaudes voisins avec sans doute un rien moins de finesse. Mais la nuance est ténue. A-t'on en ce lieu retrouvé une statue de Pallas à la fin du 18 ième siècle ou l'usage vernaculaire a t'il modifié et fait évolué le vieux terme "Pol" qui signalait une terre humide? Bien peu sont aptes à le dire avec justesse. Toutefois, sachant que le bas du climat - classé en premier Cru - a fait l'objet de travaux de drainages importants, il apparaît logique de s'en tenir à la seconde hypothèse. Deux propriétaires se partagent ce petit climat grand Cru, 20 ares au domaine Denis et 80 ares environ pour le domaine Senard. Les deux en tirent une cuvée puissante, un rien rustique et qui s'affine avec le temps.

Corton Maréchaudes:

4,46 ha sous Bressandes, entre Les Vergennes de Ladoix et les Paulands, la terrasse des Maréchaudes surplombe la partie Sud du village de Ladoix. Encore élevée sur le coteau et composée de sols bruns foncés argileux du bathonien cette zone rectangulaire est idéale pour produire des vins rouges charnus et svelte qui s'affirment sur un grain de texture poli et une finesse constitutive étonnante.

Lorsque l'on observe le positionnement du Cru sur le coteau depuis le bas de la colline, il apparaît assez évident que le classement des deux zones premiers crus a été pensé selon une logique liée à l'inclinaison des sols. La partie haute du grand Cru est quasiment plane, peu large, organisée en terrasses et fait directement suite aux Bressandes dont elle reprend le sol argileux, profond, sombre et collant.

Une bonne partie de ces Vignes est orientée Nord-Sud pour allonger les rangs et sans doute aussi pour procurer un rien plus de fraicheur aux raisins. En dessous de ce secteur "terrasse"'le sol est plus léger et se montre plus "pentu", les vins perdent ici en puissance ce qu'ils gagnent en finesse.

Le bas est curieusement composé de trois parties "premier cru" - Maréchaudes de Ladoix, d'Aloxe et Clos des Maréchaudes de Ladoix -que se partagent Ladoix et Aloxe mais qui se vendent en Aloxe premier cru. L'Aloxe-Corton Clos des Maréchaudes est ainsi un premier cru situé sur la commune de Ladoix et le grand Cru Corton Clos des Maréchaudes du domaine du Pavillon n'a pas d'existence cadastrale...comprenne qui pourra!

On le constate, Corton est miné par les particularismes plus ou moins tolérés par l'administration et qui au final le dévalue mais ce dont nous sommes à peu près sûr, est que le nom du Cru provient de l'ancien vocable "Maresche" qui signalait une terre marécageuse.

Les Maréchaudes de Chandon de Briaille, Maldant et Capitain ont toujours eu un caractère fin et assez subtil, je vois les recommande si vous êtes amateur de pinot plutôt élégant.

À suivre:
Corton Perrières et Corton Les Grèves, Clos des FiEtres
Corton Languettes et Pougets
Corton-Chaumes et Clos des Chaumes, Corton Clos des Meix, Corton-Combes

Patrick Essa - Février 2018

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Re: Corton

Messagepar PEKATRALATAK » Dim 28 Oct 2018 10:37

Patrick,

Bien que je ne sois pas encore arrivé à la fin de ce très long, et très intéressant, article, je voulais te remercier pour ce partage!

J'y apprends plein de choses! :salut:
Pierre-Antoine
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Re: Corton

Messagepar Thierry Debaisieux » Dim 28 Oct 2018 11:11

Bonjour Pierre-Antoine,

J'en ai parlé hier chez Daniel en buvant un Corton Clos du Roi 2016 de La Vougeraie, ainsi que de celui sur Meursault-Perrières. ;)
Bien cordialement,
Thierry Debaisieux
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Re: Corton

Messagepar PEKATRALATAK » Dim 28 Oct 2018 14:01

Thierry,

Ces articles sont pour moi une "référence", alors que je connais encore mal la géographie et l'histoire de la région viticole Bourguignonne!

Ils sont denses en informations et me demandent du temps pour bien les digérer :oops:
Pierre-Antoine
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Re: Corton

Messagepar Thierry Debaisieux » Dim 28 Oct 2018 14:15

Pierre-Antoine,

Ils sont pour moi aussi une référence, c'est pourquoi j'en parle en conseillant de les lire.

Bonne fin de journée,
Bien cordialement,
Thierry Debaisieux
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Re: Corton

Messagepar Patrick » Dim 4 Nov 2018 16:51

La suite:
Corton Languettes et Corton Pougets:
http://www.degustateurs.pro/2018/11/le- ... ugets.html
Patrick
 
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Re: Corton

Messagepar Thierry Debaisieux » Dim 4 Nov 2018 17:43

Merci pour ce lien, Patrick.
Je viens de lire ton article avec attention et plaisir.
J'aime beaucoup Le Corton de Bouchard, qui me semble d'un bon rapport qualité/prix.
Dans les prix relativement doux, je trouve le Corton Pougets très plaisant.
Bien cordialement,
Thierry Debaisieux
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