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Le vignoble de Pommard

Messagepar Patrick » Sam 19 Sep 2020 09:58

Le vignoble de Pommard 

 
Ecrit par Patrick Essa, vigneron à Meursault  et producteur de Pommard - 2020

 

Il n'y a pas de nom de vin rouge plus connu dans le monde. Pommard est un nom court et sec qui se prononce bien dans de nombreuses langues et qui est pour beaucoup d'amateurs synonyme de vins rouges puissants et structurés capable d'affronter la longue garde. Toutefois en creusant un peu cette réputation - méritée! - on peut s'apercevoir aussi que son nom peut être associé à la rusticité tannique de vins durs qui mettent beaucoup de temps à se faire. Qu'en est-il exactement? À l'évidence si l'on se fie au potentiel de ses terroirs, la relative austérité qu'ils impliquent en raison d'un substrat marneux affirmé n'est pas le seul élément qui permet de les définir.
Le vignoble se divise en deux coteaux distincts séparés par une Combe importante qui positionne certains climats sous une évidente influence éolienne. Ces courants frais ont la particularité de retarder un peu la maturité des fruits tout en permettant de lutter favorablement contre les maladies. Il en résulte fréquemment des récoltes de coteau naturellement saines selon des fruits ayant une maturité légèrement froide et, de ce fait des peaux un peu plus épaisses avec toujours un potentiel tannique affirmé.

Toutefois une zone basse sise en aval sur le cône de déjection de la combe repose sur une couche de limons assez épaisse qui procure aux vins plus de douceurs et une féminité "possible" que les vignerons ne recherchent pas toujours...

...Ainsi Pommard n'est pas l'alter-ego masculin de son voisin féminin Volnay. C'est une comparaison qui a le vie un peu trop dure et qu'il convient de dépasser selon les coteaux et secteurs considérés car la finesse et l'élégance ne lui ont jamais manqué si j'en juge les très régulières dégustations et vinifications que j'ai eu et ai encore l'occasion de faire.








Un premier coteau s'élève au Nord de l'appellation. Il naît tout contre Beaune sur une large bande marno-calcaire marquée par des terres brunes idéales pour la production de grands vins de pinot noir. Ce coteau tourmenté verse vers le Sud à partir du premier cru " Les Charmots"pour se poursuivre sur des terres de plus en plus claires en direction de la Combe jusqu'au climat village de la "Plante aux Chèvres" qui est quasiment orienté au couchant et qui touche le vignoble des Hautes Cotes de Beaune. Ce long coteau est sous la double influence de la Grande Combe de Pommard et de la Combe de Lulunne située au dessus et contre lui sur le finage de Beaune. Les vents circulent ici selon des courants qui hélas peuvent attirer les nuages de grêle au milieu de l'Eté et les risques semblent s'y être multipliés ces dernières années, surtout dans la partie orientée plein Est dans laquelle se trouvent les meilleurs premiers crus.



                                                          



Cette zone du coteau Nord qui regarde le levant est argilo-calcaire et parsemée de ban marneux, elle regarde l'Est selon une pente qui va de douce à forte au fur et à mesure que l'on s'élève sur le coteau. Elle produit des vins très parfumés et généreux qui n'ont rien de crus aux tanins anguleux et revêches et qui au contraire lorgnent toujours du côté du raffinement et d'équilibres fruités, mûrs sans excès. J'insiste ici pour signifier que les tanins des crus de ce secteur peuvent être parmi les plus fins et veloutés du beaunois. Selon les remarquables travaux de la géologue Françoise Vannier-Petit (voir la carte géologique de l'appellation ci dessous) le coteau se subdivise en différents rubans géologiques qui s'échelonnent au fur et à mesure de leurs  positions  sur le coteau. 

   Le plus connu d'entre eux est Les Epenots ( je vous renvoie à leur analyse détaillée en bas de page ) qui sont suivi de près par le très épicé et racé Pézerolles au corps impeccable et à la proverbiale longévité. On citera également les excellents Argillières (Largillière ou l'Argillières parfois) et Saussilles (prononcez Saucile) qui sont peut être un peu moins profonds et le gourmand et original Boucherottes en bas au Nord qui commence à ressembler aux pinots Beaunois voisins, un peu plus variétaux mais toujours très francs. Ces Crus de mi-coteau sont portés par des sols de type calcaires oobioclastiques et graveleux, le Boucherotte étant lui sur le calcaire de Ladoix.

   Il faut avoir dégusté un Pezerolles de Vincent Dancer ou de Joseph Voillot pour apprécier ce fruité épicé unique qui signe le secteur un peu à la manière du Clos de la Roche à Morey. Le secteur plus argileux du cru quasi éponyme Argillière est à rechercher au domaine Lejeune ou chez Anne Parent, deux cuvées d'élite très régulières. Jean Marc Boillot et Thierry Glantenay produisent quant à eux des Saucilles qui raviront les degustateurs de vins racés et gourmands avec une texture un rien plus ferme et un grain tannique à mailles un peu plus larges.

Les Charmots amorcent un changement d'orientation vers le Sud et une zone plus chaude et précoce qui également sous l'influence de la Grande Combe donne des vins subtils et délicats. Charmots est le cru le plus élégant du village, il égale la finesse des meilleurs crus de Volnay et de Beaune et fait sans doute partie des plus beaux crus du Beaunois. Les domaines Moissenet, Cyrot-Buthiau et Vaudoisey produisent ici dès vin d'une extrême plénitude.En dessous de lui le Clos Blanc, La Refène, le Clos de la Commaraine et le Clos de Verger sont marqués par un substrat marno-calcaire - calcaires de Ladoix - mêlés à des colluvions dans les parties basses. Ce sont de bons climats mais en dépit de leurs races fruitées et de leurs sombres couleurs, ils n'ont pas tout à fait la même complexité d'expression. Recherchez le Clos de Verger de Laurent Pillot car il se fait rare en raison d'une partie replantée, il est delicieux.

Les Arvelets plus pentus et tourmentés et toujours sur le calcaire de Ladoix ont une présence plus affirmée et me paraissent qualitativement un cran au dessus car leur nature séveuse et leur fruité noir et un peu mat en font des crus qui vieillissent avec grâce.François Parent, David et Daniel Rebourgeon - qui exploitent le Clos des Arvelets - et Olivier Cyrot vinifient des vins emplis de sève qui comptent parmi les plus belles cuvées de la commune. Les petits crus de Chanière et Platière - sur le calcaire ooclastique et avec une influence oolithique ferrugineuse  sont moins constitués et fermes mais ont une douceur fruitée et un grain délicat qui en font des vins vraiment séducteurs.

Les meilleurs "villages" de la commune se positionnent sur ce coteau Nord et regardent le Sud-Est et le Sud. Le plus qualitatif d'entre eux est le formidable Vignots qui a souvent la classe et la profondeur d'un premier cru. Ses terres plus claires dans les parties hautes - marnes de Pommard - caillouteuses et fort calcaires - ooclastique - pourraient en certains secteurs donner des blancs d'élite. Mentionnons aussi le très bon Noizons et le large et toujours très typé coteau " Bœuf " entièrement positionné sur des calacaires Blancs du jurassique supérieur.Son profil salin et énergique l'éloigne nettement de son nom cadastral qui pourrait faire penser à un vin pataud.





                                   



Le coteau Sud est un peu moins vaste mais il monte jusqu'à plus de 330 mètres sur une surface pentue et assez accidentée, il est également entaillé par une petite Combe au cœur du lieu-dit en Vaumurien. Cette combe étant elle même sur une faille qui la traverse transversalement au plan profond. 



La zone des premiers crus plus restreinte est entièrement tournée vers le levant et s'élève depuis une zone plane riche en limons, colluvions  et oxyde de fer jusqu'à un coteau pierreux aux terres plus légères et claires de type Grèzes litées. Le plus emblématique des climat est le merveilleux Rugiens qui a dans sa partie basse le statut de grand cru naturel. Le fait que le haut de pente et le versant qui regarde l'Ouest (zone village) portent aussi le nom de Rugiens l'a sans doute desservi au moment des classements mais sa fougue est indéniable et sa longévité absolument hors du commun. Le plus grand cru de tout le Beaunois à mon sens. Vins d'une race folle chez François Gaunoux,  De Montille, Voillot, Pillot et Lejeune. Son substrat de calcaire de Ladoix, da situation parfaite entre deux lignes de faille et sa terre argileuse sombre et rougeoyante marquée par l'oolithe ferrugieneuse

 Fremiers, Jarollières, Chaponnières et Croix Noires sont quatre crus de coteau de haut niveau qui me paraissent conjuguer les qualités de finesse des Fremiets de Volnay voisins tout en bénéficiant de la chaleur de ce coteau peu influencé par les vents de la Combe. Consistants, puissants et charpentés ils pourraient assez facilement rivaliser en qualité avec la bande des meilleurs Volnay sise au Sud de l'appellation, voire avec les crus de la Côte Saint Jacques de Gevrey auxquels ils ressemblent nettement sur le plan de leur équilibre. Jarollières dans le prolongement de Rugiens bas dispose des mêmes qualités que lui avec en son centre haut la présence de Grèzes litées et devrait naturellement être considéré comme son égal. Supérieur aux Hauts de Rugiens placés quasi  entièrement sur des Grèzes litées son sol est celui d'un grand Cru. Fermiers, Chaponnieres et Croix Noires sont sur Le calcaire de combla chien dans leurs parties basses, elles confèrent un grain tannique plus souple, une finesse plus immédiate mais aussi un rien moins de profondeur et de sève.

 Ce n'est pas le cas des plus tanniques et souvent un rien moins élégants Poutures et Bertins qui plus terriens reposent sur des terres plus lourdes - colluvions de pieds de versant - et moins complexes. Les vins ont un caractère plus sévère mais ne manquent pas de puissance. Les Combes Dessus et le Clos Micot (ou Micault ou encore Micaut) n'ont pas complètement le niveau de cru je crois. Leurs sols plus limoneux et alluvionnaires  leurs confèrent une certaine finesse mais ils n'ont pas le fond des meilleures cuvées.Ce sont des premiers crus de plaine.



Chanlins plus haut sur le coteau dans un secteur marqué par le calcaire de Nantoux peut être excellent mais se présente plus frais, sur un fruité éclatant qui signale peut être une zone à blanc... Voir!

Les villages de ce secteur Sud sont soit un peu trop élevés, soit orientés vers le Nord-Est pour être au niveau des premiers crus. Ils bénéficient en revanche d'un terroir calcaire mêlé d'alluvions de grande qualité et chargéd'un peu  d'oxyde de fer sont positionnés sur des zones marneuses et fort caillouteuses. Le meilleur est sans doute le Vaumurien - une terre qui "vaut mieux que rien"!- qui regarde le Sud. C'est un vaste climat aux expositions diverses qui est incliné selon des pentes envers/endroits Nord-Est ou Sud-Est. Il peut livrer des vins profonds et intenses. Autour de lui au Sud Chanlins Haut est une vraie terre calcaire à blanc plantée en pinot qui donne des vins gourmands, et au Nord La Vache, Mareau (qui intègre le petit sous climat - que je vinifie -  de Chiveau à l’Ouest) Trois Follot sont des zones plus tardives mais des sols de tout premier ordre identique aux Jarollieres et Rugiens bas, soit ferrugineux sur le calacaire de Ladoix., les vins y ont plus de race mais un fruité plus mat et une approche austère qui colle bien à l'image que véhicule le village. Mention au petit Clos Beauder plus précoce et un peu plus fin. Lambot est un endroit frais et élevé qui s'approche du caractère "Haute Côte", il est situé sur une zone de calcaire blanc  de Nantoux. 

             

 

Les villages situés à l'Ouest du village sur une zone marquée par les colluvions issus de la Grande Combe sont plus argileux et les terres y sont plus collantes, moins drainantes et sans doute idéales pour les productions de pinots charpentés surtout dans la partie Sud. Dans ce secteur Rue au Port, Croix Planet et Les Cras livrent des vins qui n'ont pas les caractéristiques des vins anguleux et rêches que les amateurs ont en tête lorsque l'on évoque la commune. Ils livrent des vins un peu terriens certes mais toujours bouquetés et engageants qui ont une puissance contenue étonnante à ce niveau d'appellation.  

 Au Sud les vins sont plus souples et immédiatement accessibles en raison d'un substrat limoneux plus maigre et de bans marno-calcaires. Ainsi Perrières, Croix-Blanche, Tavannes et Riottes peuvent atteindre des intensités aromatiques envoûtantes sur une élégance un peu incongrue pour l'appellation. Il faut les rechercher, surtout le formidable Croix Blanche. Le Château de Pommard - aujourd'hui Clos Marey Monge -  est cadastré dans le climat " Le Village ", il est intégralement sur une zone alluvionnaire  et certains de ses quartiers comme le bord Nord-Ouest peuvent atteindre le niveau des meilleurs villages de pied de coteau de la commune en ressemblant à Croix Blanche.



Le cas des grands crus potentiels

 

  Les vignerons de la commune ont présenté ces derniere années un projet visant à classer grands crus certaines climats premiers crus du village. Il serait juste qu'il y ait au moins une zone classée dans la plus haute des catégories sur le finage car le potentiel du terroir est bien là.

   Hélas les deux zones les plus favorables que sont Rugiens et Epenots ont été depuis des temps immémoriaux un peu trop largement découpées et elles portent des secteurs qui sont de haut niveau aux côté de zones plus faibles même si de qualité. Les seuls lieux-dits indiscutables me paraîssent être le Rugiens-Bas, les Grands-Epenots et les Petits Epenots du Dessus. Mais exclure le Clos des Epeneaux, le Grand Clos des Epenots qui sont dans les petits Epenots de zone quasi plane, ainsi que la partie haute des Rugiens créerait un tolé général que j'imagine aisément assourdissant!

    Le projet risque de ne pas passer avec l'ensemble cadastral de ces deux crus et pour qu'il soit viable je suggère à leurs instigateurs de cadastrer Rugiens Bas en grand cru et l'ensemble des Grands Epenots en intégrant le dessus des petits Epenots dans ces Grands Epenots pour définir deux grands crus à mon sens naturel:

 

 

Rugiens-Bas

Grands-Epenots



+...Analyses de quelques premiers crus



Les Epenots est un vin délicat, subtil et très élégant qui s'ouvre en général plus vite que ses pairs situés au sud de la commune, comme le célèbre Rugiens. Placé sur un substrat caillouteux, porté par des terres blondes et brunes, marno-calcaires, le climat est orienté en pente douce vers le levant et se décompose  en 4 grandes entités.

  Les Grands Epenots à la sortie du village qui incluent le Clos de Citeaux;
  les Petits Epenots qui jouxtent le finage de Beaune dans lesquels se trouve le Grand Clos Des Epenots du domaine De Courcel; 
 le Clos des Epeneaux du Comte Armand qui se situe schématiquement entre ces deux premiers sous lieux-dits;
 ainsi qu'une dernière partie - très qualitative - qui correspond aux parties hautes des Petit Epenots, localement appellée Petits Epenots du Dessus. Il me semble que dans cette dernière entité se trouvent les vins les plus bouquetés et séveux et qu'année après année il sont marqués par un côté aérien que n'ont pas complètement les autres lieux-dits. En revanche ils sont sans doute un rien moins "puissants".       


Les Pézerolles:

Pommard est une bourgade dont le finage étendu est enclavé entre ceux des communes de Beaune au Nord et Volnay au Sud. Comme cette dernière ses vignes ont durant le haut moyen âge été mise en culture sous une domination ducale régulièrement associée à des propriétés nobiliaires et bourgeoises. La famille Pezerolles - selon Marie Landrieu Lussigny - possédait en ce secteur une vigne largement découpée qui sans doute forma un Clos aujourd'hui disparu du cadastre.

 Ce Clos des Pezerolles ancien se situait dans la partie médiane basse du Climat que d'aucuns considèrent être la meilleure. Signalons toutefois que cette étymologie est parfois contestée et que pour certains rédacteurs le terme proviendrait du vieux vocable Poizerolle signifiant "pois chiche", l'endroit aurait pu en être partiellement complanté au milieu des vignes en foules, comme l'usage le laissait apparaître pour d'autres cultures vivrières.

Cru de milieu de pente assez incliné et ordonné au niveau de ses parcelles selon trois étages, bas, médian et haut, il est situé sous le village Les Noizons, au dessus des Petits Epenots et entre Largillière et Saussille et mesure 5.91 hectares. Son exposition est faite de pentes regardant vers l'Est et d'une influence éolienne sous forme de courants d'air frais qui descendent de la combe de Lulunne juste en contre haut du lieu-dit. Les vins en tirent une rare énergie et un fruité frais éclatant qui tranche nettement avec ses crus mitoyens car il s'exprime avec plus d'élégance que de puissance.

  Toutefois Pezerolles est d'abord un vin structuré et ses accents aromatiques de fruits noirs en font un vrai Pommard, ne reniant aucunement sa nature altière et sa capacité à se magnifier avec le temps. Ce vin de garde prend à plus de sept ans une forme plus souple, moins contenue et très libérée qui exalte les notes épicées que son sol et son exposition lui confèrent naturellement. Ce faux vin tendre et féminin possède la classe d'un intellectuel discret et brillant imposant son savoir par petites touches subtiles lors de conversations apaisées. Incontestablement un vin d'esthète qui se livre toujours avec retenue et pudeur.



                                                            

 Il fait partie des cinq meilleurs crus potentiel de la commune et à pour lui d'être aussi homogène que le Rugiens Bas en disposant de la même capacité de garde. Il est en fait son frère du Nord, celui qui sans bruit peut se hisser à son niveau d'intensité sans toutefois jamais le dépasser en complexité. Vous pourrez en boire d'excellents chez De Montille, Vincent Dancer, Joseph Voillot et au domaine Moissenet-Bonnard.



Les Rugiens

   Pommard doit son nom à la déesse Pomone, ancienne divinité gauloise associée aux vergers et fruits, elle les cultivait mieux que personne et savait les mettre en valeur pour qu'ils mûrissent idéalement. Placé aux pieds de deux coteaux se faisant face le finage célèbre de cette petite bourgade porte des crus anciennement réputés et depuis plusieurs siècles vinifiés en cuvées isolées, Rugiens est l'un de ceux là.

  Cuvée adulée au dix neuvième siècle et considérée avec les Corton comme le meilleur vin du beaunois, elle s'est un peu effacée au profit du nom du village lors de son non classement en grand cru dans les années 1930. Pommard est alors le vin rouge de Bourgogne le plus connu des gastronomes, sans doute pas celui que l'on imagine le plus abouti mais en revanche, par la grâce d'un nom facile à prononcer dans toutes les langues, celui qui symbolise la qualité générique que le négoce souhaite mettre en avant dans la composition de ses vins de classe.

  Nul autre vin ne sera plus contrefait et étendu aux vignes des secteurs voisins, Monthélie et Auxey en particulier en "fourniront" pendant plusieurs siècles selon la logique des équivalences gustatives. Cela ne signifiait pas que les vins étaient moins bons mais qu'ils étaient simplement "construits" sur la base d'assemblages choisis et complémentaires. Un autre temps. Rugiens sera rayé de la liste des grands crus au nom d'une unité que les villages rouges du Sud de Beaune revendiquaient avec fierté, refusant de faire disparaître leur nom sur les étiquettes des cuvées issues de leurs finages.

   Ce n'est ainsi pas un hasard si Meursault, Pommard, Volnay et Beaune n'ont jamais associé leur patronyme à celui d'un cru. Une noble idée qui ne doit rien - comme on le lit ou l'entend parfois de manière très naïve - à une soi-disant faiblesse de terroir face à ceux des autres villages de Côte d'Or. Ce climat exigu doit son nom à l'oxyde de fer qui marque son substrat et qui en absence de végétation, avant la tombée de la Nuit ou au matin, lorsque le soleil est ras, fait rougeoyer sa terre en lui conférant des reflets moirés très surprenants. Cette perspective obtenue depuis le village en contrebas laisse apparaître un coteau régulier qui se découpe en deux blocs distincts ayant des caractéristiques forts différentes.

  Ainsi Rugiens-Bas et Rugiens-Hauts sont deux crus différents qui n'ont de commun que leur nom. Non que l'un soit supérieur à l'autre mais parce qu'ils s'expriment sur des modes diamétralement différents.



   Rugiens-Bas mesure un peu plus de 5,83 hectares et se trouve sur une portion de coteau formant un quasi replat en pente douce et orientée plein Est. Son sol est argileux, assez épais et fortement chargé en oxyde de fer ce qui procure aux vins une grande fermeté et une incroyable puissance en même temps qu'une proverbiale longévité.La cuvée a toujours été isolée depuis deux cents ans et s'il semble qu'au cours du vingtième siecle la mention " Bas" ait été quelque peu négligée, son retour récent sur les étiquettes  annonce nettement le souhait pour ses producteurs de la positionner en "tête de cuvée"...ce qu'elle était si l'on considère les classements anciens de Lavalle ou du comité d'agirculture de Beaune en 1890.

                                                            

Mais sa singularité évidente doit plus à son équilibre et à un fruité sombre et mat qu'à une évidente supériorité gustative.Sa race de terroir s'exprime assez peu aisément jeune face au dessus du climat et doit être attendue plus de dix ans lorsqu'elle est bien née pour que les tanins se fondent et que son "centre aromatique" parvienne à exhaler les très fines notes réglissées et épicées dont il recèle régulièrement. Vin austère et précieux, il ne se livre pas aisément aux palais pressés et aux gastronomes gourmands d'arômes exhubérants. En revanche il plait aux épicuriens goûtant les délices de gibiers et venaisons au coeur des hivers rigoureux que la région subi.

   Joseph Voillot et De Montille produisent ici des vins de très haut niveau.



Rugiens-Hauts, en dépit de mes écrits ci dessus, n'est pas un parent pauvre qui profiterait de la gloire de son voisin du dessous. Sur 6.83 hectares son sol plus fortement incliné, moins sombre et plus marneux imprime des accents fruités subtils aux vins qui en proviennent. Moins rougeoyant, de teinte chamois, sa terre pierreuse ressuie vite et par sa situation haute conjuguée, confère une certaine tension aux vins.

                                                           

Plus proche des Chanlis qui le touche - dont on néglige très souvent la qualité - il pourrait même être plus régulier que le dessous car la vigne souffre assez pour autoriser des fruits concentrés et profite d'un parfait drainage et d'une situation un rien plus fraîche et ventée pour contrecarrer les maladies et la mauvaise pourriture. Rugiens-Hauts est un vin nervceux, minéral, parfumé et moins austère que son voisin du dessous. Il s'ouvre un peu plus vite et préserve une capacité de vieillissement étonnante.Toutefois il doit être cueilli un peu plus tard que le bas pour éviter les pièges d'une "végétalité" toujours possible sur les terres hautes proches de  limites cultivables  des coteaux.

    Thomas Bouley et son père  à Volnay produisent un Rugiens Haut pur de toute beauté, Thierry Glantenay  également.

   Soulignons encore qu'il existe une parcelle de Rugiens classée en "village" car elle regarde un peu plus vers le nord-Est. Elle borde les Rugiens-Hauts au Nord et est la propriété du domaine Lambert. Jean-Luc Joillot l'a exploitée jusqu'en 2016. Le vin  est très énergique et subtil en raison de plants anciens dont certains ont été plantés en 1909. Enfin certaines cuvées assemblent les différentes origines et lorsque les "hauts" se mêlent aux "bas" la cuvée peut également être extraordinaire. Essayez celle du Domaine Laurent Pillot à Chassagne-Montrachet qui est régulièrement de haut niveau.

  S'il fallait trancher sur le plan des classements, il apparaît assez clairement toutefois que Rugiens Bas aurait plus de chance d'être adoubé mais la sagesse commanderait peut-être de laisser à l'intégralité de ce secteur le nom de Pommard aux côtés de lui et de le conserver comme "super premier cru" du beaunois: Premier cru Classé A...voilà qui lui irait vraiment! 





         
Patrick
 
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Re: Le vignoble de Pommard

Messagepar Thierry Debaisieux » Sam 19 Sep 2020 18:50

Merci, Patrick, pour ce superbe article.
Je vais le lire plusieurs fois pour tenter de retenir un maximum d’informations.

Bonne soirée,
Bien cordialement,
Thierry Debaisieux
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