Mon épouse et moi-même n'avions jamais fait de 3 macarons. Pour notre dépucelage nous avons choisi l'Astrance dont la réputation laissait supposer que la cuisine y est légère et inventive, le service cool et attentionné et surtout, que les vins y sont abordables, ce qui à Paris est loin d'être évident et ce qui, pour nous, est primordial.
A notre arrivée nous vérifions immédiatement la qualité du service puisque l'accueil est chaleureux sans être obséquieux. La déco est dans un style contemporain et épuré. Dans l'ensemble j'apprécie, même si la couleur jaune des banquettes et des sièges dénote un peu.
Le principe de l'Astrance est celui d'un menu unique. Le client, se laisse guider par les humeurs du chef, Pascal Barbot, étant précisé que sont prises en considération les éventuelles intolérances. Je remarque que selon les tablées les menus ne sont pas strictement identiques. En salle le personnel doit sentir les envies des clients pour trouver le fil conducteur et, bien évidemment, les accords mets-vins ont une influence sur le menu définitif.
Le vin parlons en !
La carte est effectivement bien calibrée avec des coefficients très honnêtes. J'ai relevé Jacquesson 736 à 90 euros, Bourgogne blanc de Coche Dury 2005 à 60 euros, Grandes Teppes 2009 de Ganevat à 50 ou 60 euros, Cotes du Rhône de Jamet 2009 à 30 euros, Lavaux St Jacques de Rousseau 2006 à 120 euros, Grange des pères blanc 2005, Grange des Pères rouge 2007 (120 ou 150 euros ?) etc …
Le menu est à 210 euros, mais il est possible de prendre un menu à 330 euros avec vins compris. Alors que j'allai opter pour deux belles bouteilles le sommelier, très sympathique et compétent, Alexandre JEAN, nous suggère de prendre le menu avec les vins compris, notamment pour le côté ludique puisqu'ils nous seront servis à l'aveugle.
Même si j'hésite pour de simples raisons financières, nous optons finalement avec bonheur pour cette formule amusante.
Arrive donc un premier champagne pour nous réveiller les papilles.
En mettant un premier nez au dessus de ce breuvage, mon épouse et moi-même échangeons un regard satisfait et complice indiquant que nous savons que nous allons boire du bon !
Le nez est oxydatif, avec des fruits confits (orange, pêche) et des notes minérales.
En bouche le vin reste sur des notes évoluées oxydatives, de fruits confits, avec un peu de champignons frais et de truffe blanche, mais ce côté évolué est contrebalancé par une fraicheur inouïe, une acidité traçante qui porte le vin. La bulle est superbe, légère. La finale est très crayeuse et saline et d'une grande longueur. La texture fait penser à un vin passé sous bois.
Quand Alexandre JEAN vient aux nouvelles je lui propose le millésime 96 : bonne réponse ! Je tente Jacquesson car on est parfaitement dans le style : encore une bonne réponse ! Autant vous dire que je ne suis pas peu fier sur le coup. Malheureusement je ne peux trouver la cuvée, d'autant que je ne l'avais jamais bue :
C'est un JACQUESSON SILLERY 1996, 100% pinot noir, dégorgé en 2004, dosage 3,5 g/l.
C'est excellent : 17,5/20
Parallèlement nous sont apportés des petits apéritifs.
Le plus étonnant est un bouillon de pain grillé, bien émulsionné. Le grillé, pour ne pas dire le brulé, est très présent en bouche et d'une longueur notable. Il y a comme dans du vin une belle acidité qui porte bien ce bouillon. C'est amusant, plutôt bon. Ce n'est pas encore un grand moment culinaire toutefois.
La première entrée est la spécialité du chef, il me semble.
C'est un mille-feuilles foie gras, champignon de Paris, pomme verte, verjus, feuille de brick, avec de l'huile de noisette et de la pâte de citron roti.
L'ensemble est très fin, un peu trop peut être car j'aurais aimé un peu plus de relief. L'huile de noisette joue le rôle de l'exhausteur de goût, le citron apporte de l'acidité qui révèle bien le champagne.
On passe ensuite à un vin tranquille.
Le nez est discret assez fin. La bouche est d'une belle droiture, fine, avec une aromatique assez fermée et de belles notes iodées.
Après avoir hésité avec un riesling, du chenin, on propose le chardonnay, mais non, c'est une Muscadet de Sèvre et Maine sur lies "Fief du Breil" de Jo Landron 2008 (15/20) qui constitue un accord très malin avec une huitre juste raidie, coquille saint Jacques à peine cuite à la vapeur et Moelle.
Ce plat joue sur la texture, moelleuse. Le mélange des trois ingrédients principaux est superbe, l'iode de l'huître relevant le moelleux et l'onctuosité des deux autres.
Le troisième vin est d'emblée magique.
Le nez minéral, très légèrement pétrolé me fait de suite partir sur un beau riesling.
La bouche est monumentale, à la fois large et longue, avec une superbe acidité. L'architecture du vin est magnifique, sur un registre mûr et minéral. Vraiment un Grand vin !
C'est un Albert MANN Schlossberg 2006 en magnum : 18/20
Il convient magnifiquement à l'entrée suivante qui est mon coup de cœur de la soirée : couteau et veau dans une émulsion indescriptible (je n'ai pas pris de note de tous les ingrédients de chaque plat).
Voilà un accord terre-mer divin.
Le second coup de cœur culinaire est un turbot cuit à la perfection avec du cumin, du cédrat, de multiples agrumes et tout un tas de choses finalement assez mystérieuses que je n'ai pu noter :
Le vin suivant nous emmène au Nirvana. Pas besoin d'être un grand spécialiste pour voir qu'il s'agit d'un vin jaune, mais quel vin jaune !
Le nez est sur des notes classiques de noix, de curry, mais aussi de beurre, de foin, de morille, de cumin.
En bouche l'attaque est puissante sur le registre noix fraiche curry. Il y a une trame acide assez tranchante. Puis le vin se développe en bouche avec une longueur absolument phénoménale. Sans mentir, 2 ou 3 minutes après une gorgée, vous avez encore l'aromatique en bouche. D'abord un côté safrané, beurré et herbacé arrive, puis des notes plus douces mais puissante à la fois de morille et de crème.
Vin excellentissime : 19/20
Je suis étonné de découvrir un vigneron totalement inconnu pour moi qui élève ses jaunes longtemps. Ce Chateau-Chalon 2000 de François ROUSSET-MARTIN a été élevé 12 ans ! Le résultat est concluant ! Par contre l'étiquette est bien moche
L'accord sur le plat suivant se fait sur la puissance et la longueur en bouche.
Cette truffe, céleri, parmesan est vraiment très bonne ! On est plus dans un registre classique, pour le coup.
Avec le même vin, nous continuons curieusement sur du cochon noir d'un producteur bourguignon. J'ai hélas oublié de faire une photo. C'est un joli plat mettant bien en valeur la douceur et la qualité de cette viande.
Vient enfin un rouge.
Le nez est très charmeur, sur des notes de fraise confite, de rose séchée, d'agrumes.
En bouche la texture est soyeuse, sans tannins. C'est très équilibré et harmonieux.
Je tente un grenache de Reynaud, mais non, c'est un Valpolicella classico superior 2001 de Giuseppe Quintarelli : 16,5/20
Encore un accord irréprochable avec un beau canard :
Arrive enfin le dessert principal, superbe de fraicheur et de tonicité. C'est une tarte aux agrumes qui recèle en son sein, d'une multitudes de surprises qui donnent du relief à chaque bouchée (zestes, noisette, etc …).
Ce dessert est accompagné d'un joli riesling dont on ne sent pas trop le sucre résiduel qui est pourtant bien présent. Il reste sur le registre de la fraîcheur avec des notes pierreuses.
C'est un Marc Tempé, Riesling, Manbourg 2006, sélection de grains nobles : 16/20
Au final je ne peux que m'associer au concert de louanges adressées à ce resto qui n'a pas réellement de point faible. Chaque plat interpelle. Même si tous ne m'ont pas enchanté (mille-feuilles foie gras), d'autres sont inoubliables et déstabilisants (couteau et veau, turbot).
La formule vin compris est vraiment une super expérience ludique accompagnée d'un service irréprochable du sommelier qui s'est bien occupé de nous en prenant le temps de nous expliquer ses choix. Après, cela a un prix au moment de l'addition, mais on ne vit qu'une fois
Alexandre JEAN m'a glissé sa carte et je me permets de mettre un lien sur son site proposant des soirées dégustations qui m'ont l'air plutôt sympathiques. Vu la gentillesse et la compétence du bonhomme, ça peut être sympa à faire :
http://chezalexandre.fr/index.php