.Ăric CarriĂšre, entretien foot et vinCoup dâenvoi aujourdâhui de la 21Ăšme Coupe du Monde FIFA en Russie. Pour accompagner cet Ă©vĂ©nement sportif planĂ©taire, nous avons rencontrĂ© lâancien international français Ăric CarriĂšre. DĂ©sormais consultant pour la chaĂźne Canal+, il a surtout amorcĂ© une reconversion rĂ©ussie dans le vin. Entretien.NĂ© en 1973 en AriĂšge, Ăric CarriĂšre a suivi une carriĂšre de footballeur singuliĂšre, avec des dĂ©buts professionnels « sur le tard » Ă 22 ans avant de sâillustrer dans des clubs tels que le FC Nantes, lâOlympique Lyonnais, le RC Lens et le Dijon FCO. Dix fois sĂ©lectionnĂ© en Ăquipe de France (5 buts), ce milieu de terrain a raccrochĂ© les crampons en 2010. Depuis, les abonnĂ©s Ă la chaĂźne Canal+ ont pu le voir dĂ©ployer ses talents de consultant. Quant aux Ćnophiles, ils seraient bien avisĂ©s de jeter un Ćil du cĂŽtĂ© des Caves CarriĂšre, lâactivitĂ© de nĂ©goce et de vente de vin lancĂ©e il y a huit ans par le jeune retraitĂ©. A lâheure oĂč le monde entier va avoir les yeux braquĂ©s vers la Russie oĂč commence aujourdâhui la 21Ăšme Ă©dition de la Coupe du Monde FIFA, Ăric CarriĂšre a acceptĂ© de nous parler de sa passion du vin⊠oĂč le ballon nâest jamais loin.
Ăric, comment votre passion pour le vin est-elle nĂ©e ? Mes grands-parents Ă©taient paysans, je suis nĂ© en AriĂšge et jâai grandi dans le Gers, jâen ai gardĂ© un fort attachement Ă la terre, au terroir, aux bons produits. Mon pĂšre achetait un peu de vin mais ses moyens ne lui permettaient pas dâouvrir de « grandes bouteilles ». Câest plutĂŽt durant ma carriĂšre de sportif que jâai vraiment dĂ©couvert le vin. Lors de mes annĂ©es nantaises, et surtout Ă Lyon. En 2002, nous avons fait une excursion dans le vignoble de CĂŽte RĂŽtie, chez StĂ©phane Ogier. Il nous a fait dĂ©guster sur fĂ»t, goĂ»ter de vieux millĂ©simes. Jâai Ă©tĂ© sĂ©duit par la personne, par ses qualitĂ©s humaines, auxquelles jâattache beaucoup dâimportance. La rencontre avec StĂ©phane a Ă©tĂ© un dĂ©clic. Nous sommes devenus amis et quelques annĂ©es plus tard, lorsque je jouais Ă Lens, il mâa proposĂ© que lâon achĂšte des vignes ensemble, 1,2 hectare en Condrieu et 40 ares en CĂŽte RĂŽtie. CâĂ©tait important pour moi de « mâancrer » ainsi sur une terre viticole.
Comment vos goĂ»ts ont-ils Ă©voluĂ© au fil du temps ? La passion sâest rapidement dĂ©veloppĂ©e, jâai commencĂ© Ă acheter de plus en plus de vin. Un peu de bordeaux, mais surtout des bourgognes. Jâai fait lĂ -bas de superbes rencontres. Le premier domaine dont jâai achetĂ© et bu les vins est le domaine MĂ©o-Camuzet, câĂ©tait plutĂŽt un bon dĂ©but ! Jâai fait Ă©galement la connaissance de François Tessonneau, un excellent caviste basĂ© Ă Saint-Yrieix la Perche prĂšs de Limoges, qui mâa fait dĂ©couvrir beaucoup de grands vins. Enfin jâai eu la chance de terminer ma carriĂšre Ă Dijon. Jâai eu un coup de cĆur pour la rĂ©gion et pour le monde du vin bourguignon.
Puis vous dĂ©cidez de franchir le pas en faisant du vin un mĂ©tierâŠNaturellement jâai eu envie dâen faire ma « deuxiĂšme vie » professionnelle, et jâai crĂ©Ă© les Caves CarriĂšre en 2010, aprĂšs avoir quittĂ© les terrains. Je suis allĂ© voir des dizaines de domaines en Bourgogne pour leur acheter du vin, et beaucoup ont rĂ©pondu positivement. Au dĂ©part il mâĂ©tait impossible dâavoir une boutique physique, on a donc tout misĂ© sur le rĂ©seau. Puis jâai Ă©tĂ© rejoint par un associĂ© en 2013, ce qui a accĂ©lĂ©rĂ© nos dĂ©veloppements. Il Ă©tait important pour nos vignerons partenaires de savoir que lâon aurait un vĂ©ritable lieu de stockage et de vente, câest ainsi que nous avons construit il y a deux ans un espace de 700 m2 Ă Dijon. Cela nous donne une meilleure visibilitĂ© mais aussi plus de lĂ©gitimitĂ©. Nous avons aussi des sites de stockage en AriĂšge, Ă Lyon et prĂšs de Limoges.
Quelle est lâactivitĂ© des Caves CarriĂšre aujourdâhui ? De la vente de vin aux particuliers et aux professionnels, Ă peu prĂšs Ă paritĂ©. Nous comptons plus de 3000 rĂ©fĂ©rences, avec une forte reprĂ©sentation en Bourgogne : bien sĂ»r les grandes maisons comme Louis Jadot, Joseph Drouhin, Bouchard PĂšre & Fils, mais aussi des domaines rares comme Ramonet, Mugnier, Comtes Lafon, Etienne Sauzet, Hubert Lignier, Trapet (voir le dĂ©tail ici). Nous nous diversifions de plus en plus avec des ouvertures vers Bordeaux, le RhĂŽne, la Champagne, lâItalie et lâEspagne. Jâai la chance dâĂȘtre extrĂȘmement bien entourĂ©, et nous avons vocation Ă devenir la cave rĂ©fĂ©rence en CĂŽte dâOr et au-delĂ , avec une offre riche et des prix attractifs pour nos clients.
Quels sont vos plus beaux souvenirs de dĂ©gustation ? Câest toujours dĂ©licat, il y en a beaucoup. Je vais vous faire partager un souvenir. Lorsque jâai dĂ©marrĂ© mon activitĂ©, lâun des premiers Ă mâavoir rĂ©pondu est Jean-Charles Cuvelier, le bras droit dâAubert de Villaine Ă la RomanĂ©e Conti. Il est pourtant plus fan de rugby que de football ! Jâai eu le privilĂšge dâĂȘtre reçu â avec mon ami StĂ©phane Ogier â et de dĂ©guster sur fĂ»t. Jean-Charles nous a ouvert un Montrachet 1974, câĂ©tait exceptionnel. Par la suite, en dĂ©gustant de plus en plus, jâai rĂ©alisĂ© que la Bourgogne, ce sont bien sĂ»r de grands rouges, mais surtout des blancs fabuleux. Aujourdâhui jâai beaucoup de mal Ă boire des blancs dâautres rĂ©gions, je lâavoue. Hier encore, un bĂątard-montrachet 2013 de Vicent Girardin⊠Pour autant, je nâouvre pas que des grandes bouteilles, cela dĂ©pend des moments, jâadore aussi me rĂ©galer dâune simple syrah dâOgier. Tout est affaire de circonstance. Le vin ce nâest pas quâune question de prix, et en cela on peut dresser un parallĂšle avec le foot. Parfois on paie trĂšs cher pour un joueur surcotĂ©, et parfois il y a de vraies pĂ©pites recrutĂ©es Ă des prix trĂšs raisonnables. Et comme pour le marchĂ© des transferts, il y a le jeu de lâoffre et la demande, la raretĂ©, lâimage, le rĂȘveâŠ
Justement, que vous apporte votre expĂ©rience de footballeur dans votre nouvelle vie ? Le football, câest dâabord la science du collectif. LâĂȘtre humain est naturellement tournĂ© vers lui-mĂȘme, et le management consiste justement Ă amener les gens à « se faire des passes ». Mettre lâĂ©quipe au-dessus de lâindividu, savoir orienter pour que chacun aille dans le mĂȘme sens, câest une dimension du football qui peut servir dans le monde de lâentreprise. Le monde du sport a beaucoup Ă©voluĂ© Ă ce niveau, par rapport Ă mes dĂ©buts. Un entraĂźneur aussi renommĂ© que Jean-Claude Suaudeau (le grand FC Nantes des annĂ©es 1980 et 1990, NDLR) explique lui-mĂȘme quâĂ son Ă©poque il concentrait tout sur la partie « jeu ». Or il faut prendre le temps dâexpliquer, de sâadapter aux joueurs comme aux collaborateurs. Certains ont besoin quâon verbalise beaucoup, dâautres quâon leur laisse le champ libre. Il faut parfois travailler Ă lâaffect, comme le font des grands entraĂźneurs comme Guardiola ou Zidane. Et quand ça tangue, il faut rester ensembleâŠ
La notion de compĂ©tition, câest aussi une dimension qui reste chevillĂ©e au corps ? Le fait dâavoir connu une carriĂšre de sportif de haut niveau, cela implique des Ă©preuves psychologiques et athlĂ©tiques. Câest parfois Ă©prouvant mais ça renforce, ça donne beaucoup dâassise. Pour ma part, jâai commencĂ© ma carriĂšre pro sur le tard, Ă 22 ans, je peux vous dire quâil faut faire ses preuves et cela forge le caractĂšre. On apprend Ă tirer le meilleur de soi et des autres.
Et lâhygiĂšne de vie dâun sportif est-elle compatible avec lâamour du vin ? Chacun doit trouver le juste Ă©quilibre. Encore pour mon cas, le fait dâavoir accĂ©dĂ© au trĂšs haut niveau sur le tard par rapport Ă dâautres joueurs a mis mon corps Ă rude Ă©preuve. Jâai Ă©tĂ© suivi par un thĂ©rapeute, jâai dĂ» beaucoup me discipliner pour Ă©viter les problĂšmes musculaires. Il est Ă©vident quâil faut Ă©viter les extras, mais plus on apprend Ă se connaĂźtre, plus on sâautorise parfois quelques Ă©carts. Il nâĂ©tait pas rare que le dimanche, je mâautorise Ă ouvrir une bonne bouteille (pas trop de blanc, câest trĂšs dĂ©conseillĂ© pour les sportifs). Et puis le sport est tellement exigeant quâil faut savoir parfois relĂącher la pression, cela passe par bien manger, bien boire. A Lyon, on Ă©tait quelques-uns Ă partager ça, avec Greg Coupet, Christophe Delmotte, Pierre Laigle. On a partagĂ© aussi de bons moments Ă table avec Olivier Monterrubio et Nicolas Gillet Ă Lens. Je sais que Christophe Jallet, aussi, est un passionnĂ© de vin et de cognac, câest dâailleurs sa rĂ©gion.
Aujourdâhui câest le coup dâenvoi de la Coupe du Monde. Vous avez un pronostic ? JusquâoĂč voyez-vous aller les Bleus ? LâEquipe de France a le potentiel pour gagner la compĂ©tition. Le talent est lĂ . Le talent est nĂ©cessaire, mais pas suffisant. Il faut que chacun se mobilise Ă 100%, ne pas juste se concentrer sur le beau geste ou sur lâexploit, mais travailler la solidaritĂ©, le jeu sans ballon. Il faut aussi savoir gĂ©rer ses Ă©motions, garder la tĂȘte froide, encaisser lâimportance de lâenjeu. Quand on arrive Ă ce niveau, tout se joue dans les dĂ©tails. Mais le sĂ©lectionneur Didier Deschamps est un compĂ©titeur et il sait tout ça. Parmi les autres prĂ©tendants au titre, je vois surtout lâEspagne et lâAllemagne, ce sont deux formations expĂ©rimentĂ©es qui ont un fort collectif. Des Ă©quipes comme le BrĂ©sil ou lâArgentine reposent davantage sur leurs individualitĂ©s, et je ne crois pas Ă une grosse surprise comme la Belgique ou lâAngleterre. Il faut de lâhomogĂ©nĂ©itĂ©, il faut du banc, et des Ă©quipes comme la France, lâEspagne et lâAllemagne ont tout ça. On ne dira jamais assez Ă quel point la victoire de lâAllemagne en 2014 a impactĂ© en bien le foot moderne, ça se retrouvait mĂȘme dans le Real de Zidane. Cette verticalitĂ©, ce jeu spectaculaire, direct, câest ça quâon veut voir sur un terrain. En tout cas on espĂšre tous que les Bleus vont nous faire vibrer. On cĂ©lĂšbre en ce moment les 20 ans de France 1998, cela nous rappelle Ă quel point une telle victoire peut avoir un effet sur le moral dâun pays, et sur sa mĂ©moire collective.
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