Meursault et son vignoble
Ecrit de 1999 à 2019 par Patrick Essa, vigneron au Domaine Buisson-Charles à Meursault
Depuis toujours le nom de Meursault évoque pour les dégustateurs du monde entier un vin blanc ample, gras, concentré sur des saveurs de noisettes, qui vieillit avec bonheur et procure du plaisir sur des poissons en sauce ou des volailles blanches. Sans renier cette " image d'Epinal ", il est sans doute possible de « dépasser le mythe » et sa transmission orale, les fausses vérités et les interprétations imprécises pour défricher et comprendre en profondeur ce terroir qui mérite plus qu'une somme de lieux communs, même s'ils ont sans doute forgé une partie de sa légende.
L'imaginaire dans le vin est souvent de type agrégatif : Les connaissances nouvelles s'additionnant à celles déjà possédées. De nombreux auteurs ont parlé de Meursault depuis le 17°siècle : Courtépée et Béquillet, le docteur Lavalle, Danguy et Aubertin, Rodier et plus près de nous Anny et Paul Sadrin ou encore Henri Cannard. Chacun a œuvré en relisant les précédents et en se fondant sur des affirmations qui n'ont guère été contestées au fil des siècles car le respect des canons anciens qui singularisent les crus a souvent valeur de « sacralisation ». Au final la permanence du discours est plus le fait d'un manque de recherche ou de questionnement que d'une stabilité qui rendrait ce vignoble intemporel.
Meursault a évolué, a changé, comme toute la Bourgogne - nous en reparlerons au fil du temps - et le village et ses vins sont ancrés dans le présent autant qu'ils puisent dans le passé, des racines dans lesquelles la sève de la tradition circule.Notre propos est donc de comprendre le vignoble depuis le présent pour relire l'histoire et mettre en lumière les faits du passés qui peuvent éclairer la situation actuelle.Il est évident que ce travail engage l'auteur et ses connaissances, chacun pourra à loisir compléter ou contester tel ou tel fait ou analyse, il reste que l'éclairage apporté ici n'est que le fait d'un dégustateur devenu producteur et négociant sur la commune et qui tire ses conclusions de sa propre expérience, en toute indépendance d'espri
La première chose qui frappe lorsque l'on arrive à Meursault est son clocher haut perché qui domine l'église Saint Nicolas, il donne une allure majestueuse au village qui sied à ses pieds, cela procure également une grande fierté aux Murisaltiens qui aiment leur bourg aussi discrètement que passionnément.
De nombreuses maisons de maître apparaissent aux 4 coins du village. Les familles nobles et bourgeoises les ont construites souvent au cours des 18° et 19° siècles, elles étaient propriétaires et négociantes et ont contribué à l'essor du village.
Les grands murs qui bordent les maisons et enclavent les propriétés en des clos hermétiques aux regards sont le signe d'un passé glorieux et prospère et d'un goût affirmé pour l'austérité et le classicisme. Nous sommes en terre de tradition, la mémoire est préservée à l'intérieur de ces hautes clôtures en pierre, il est difficile d'y pénétrer sans être introduit et il est impossible de comprendre les gens qui y habitent sans comprendre pourquoi existent ces enceintes,,,
L'intimité des familles de Meursault n'est percée que dans le cadre de la famille qui est ici le noyau central de l'esprit du village, on est uni par les liens du sang, par des principes de vie, mais aussi par la terre, les savoir faire, les méthodes de vinification. Il existe des codes sociaux qui tissent les liens entre les habitants du village, chacun est à sa place, il est très difficile de pénétrer une sphère qui n'est pas la sienne. Tout cela n'exclu pas le respect entre les Murisaltiens mais vous ne verrez que très rarement un propriétaire fréquenter son ouvrier en dehors du travail. (Il est des contre exemples bien sûr mais mon propos est général).
Comme dans toute la Bourgogne viticole une des valeurs « majeures » de ce microcosme social est le travail, toute personne laborieuse et dur au travail, est réputée pour cela et en tire un prestige insoupçonné ailleurs, c'est une forme de reconnaissance pour les " petites gens " (on comprendra aisément qu'il n'y a pas le moindre mépris de ma part pour cette expression), de l'admiration parfois même... . La terre, sa culture difficile tout au long des siècles, les efforts qui y sont liés, sont à l'origine de cette manière d'être car il a fallu des bras pour mettre en valeur le vignoble et donner du lustre aux habitations. Cependant après l'ouvrage chacun aime à donner une entité à son pré carré, celui-ci est alors clos et impénétrable.
Il est cependant de tradition de recevoir les visiteurs et de leur assurer une explication simple et claire des vins de la commune. Les vignerons ont toujours ouvert leurs portes pour vendre, ils ont aussi su garder des contacts très suivis avec les clients les plus connaisseurs et sympathiques. Il n'est pas rare de croiser des invités de toute nationalité dans les caves et les dégustateurs avertis sont appréciés pour échanger les points de vue sur telle ou telle cuvée. Ainsi, les expériences de dégustation qui se poursuivent tard avec de vieux flacons sont probablement le moyen le plus sûr de comprendre le village et ses vins.
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