Un chiffre d'affaires – 5 milliards d'euros – en hausse de 2 %, mais une baisse assez significative des ventes en volume : un résultat peu rassurant…
La bulle plie, mais ne rompt pas. Les ventes de champagne – à Épernay, on dit les expéditions – accusent une baisse de 1,6 % par rapport à 2018. Laquelle était déjà en recul de - 1,8 % par rapport à 2017 avec 301,9 millions de bouteilles expédiées en France et dans le monde. Cette fois, c'est le chiffre repère, le cap des 300 millions, qui n'a pas été franchi, la totalité des ventes en 2019 atteignant 297,5 millions de bouteilles.
Certes, ce n'est pas la dégringolade connue au moment de la crise des subprimes – 322 millions de bouteilles en 2008 et 293 millions en 2009 –, mais plutôt une lente érosion peut-être plus inquiétante. La chute brutale de 2009 avait été suivie d'une remontée tout aussi vive, avec 319 millions de bouteilles dès 2010. Cela traduisait que l'envie de champagne était toujours présente.
Pas d'effet Brexit
La baisse de ces deux dernières années invite à s'interroger sur les causes. La conjoncture internationale n'est guère favorable et les menaces de Trump sur le vin français en général ne favorisent pas une dynamique commerciale, même si la Champagne a été épargnée lors de l'annonce d'une surtaxe de 25 % sur les vins français. Mais, sans disposer encore des chiffres par pays, qui seront rendus publics en mars prochain, il ne semble pas que la menace du Brexit ait beaucoup ralenti les achats britanniques.
Traditionnellement, la France figurait en tête des pays consommateurs de champagne, absorbant plus de la moitié des volumes. Pour la deuxième année consécutive, l'export l'a dépassée et le marché français est en recul de 4 % avec 141,5 millions de bouteilles. Les Champenois souhaitaient développer l'export et, pour ce faire, ont augmenté les prix, développer les cuvées haut de gamme pour se glisser dans le sillage de l'industrie du luxe (c'est ce que traduit cette hausse du chiffre d'affaires de 2 %.). L'idée semblait bonne, mais, avec une ambiance mondiale morose et en France une concurrence rude des crémants et des prosecco italiens, qui apparaissent comme des « produits » plus modernes chez les jeunes, cette stratégie a eu un effet boomerang.
Inquiétudes sur le terrain
S'y ajoutent les mouvements sociaux et les nouvelles dispositions (loi Egalim) limitant (en principe !) le discount dans la grande distribution… Pour le verre à moitié plein, on peut cependant se réjouir d'une baisse moins spectaculaire que celle des autres vins français, ce que n'ont pas manqué de souligner les deux coprésidents du Comité Champagne, Jean-Marie Barillère et Maxime Toubart : « Dans un contexte marqué par des incertitudes fortes sur nos deux premiers marchés export et un environnement macroéconomique et géopolitique préoccupant, ces résultats attestent de la remarquable résilience du marché du champagne. » On se rassure comme on peut. Sur le terrain, la réalité est un peu plus inquiétante. Si certaines grandes maisons, bien préparées à l'export, se maintiennent et même se montrent conquérantes, il n'en est pas de même pour celles qui visaient le marché de la grande distribution en France. Chez les vignerons aussi on est inquiet. Certains, même parmi les « vedettes », ont accusé cette année des pertes importantes.
Par Jacques Dupont
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