Dans son nouveau livre Le Journal du vin, le sympathique chroniqueur Stéphane Hébert convie les néophytes à une initiation épicurienne au monde du vin. En vente au Canada et en Europe depuis novembre, cet ouvrage simple et dynamique n’est pas sans rappeler les chroniques excentriques que publie M. Hébert dans nos pages.
«L’objectif n’était pas de publier un énième guide d’achat, souligne le spécialiste concernant le contenu limité du livre. Il s’agit plutôt d’outiller adéquatement les amateurs débutants afin qu’ils puissent partager et entretenir le plaisir du vin», explique-t-il, entouré par les coupes de sa salle de dégustation personnelle.
Fils de restaurateurs, M. Hébert est passionné de vin depuis toujours. Ce n’est cependant qu’en 2004 qu’il quitte sa carrière de directeur artistique pour se consacrer entièrement au monde du vin. En plus de faire désormais partie du club sélect des journalistes/chroniqueurs vin du Québec, il est expert en évaluation vin/constitution de caves privées et spécialiste en cristallerie. En 2006, il a été le premier Canadien invité à titre de membre du Comité Dégustateur du Grand Jury européen, le pendant collégial du grand critique de vin américain Robert Parker.
L'histoire de plusieurs vies «La découverte du vin, c’est l’histoire de plusieurs vies, lance-t-il en soulignant que personne n’aura l’occasion de tout goûter et de tout connaître en une seule vie. Le vin doit demeurer convivial, festif et spontané pour être apprécié à sa juste valeur. Et tel est justement l’esprit du livre», se plaît-il à rappeler.
Depuis plusieurs années, le chroniqueur est irrité par «l’intellectualisation» du vin. Il a identifié l’une des manifestations de ce phénomène sous la dénomination de «diarrhée viticoverbale», c'est-à -dire la tendance à faire une surenchère de qualificatifs pour décrire une dégustation.
M. Hébert s’esclaffe en citant l’une des nombreuses perles qu’il compile pour le plaisir: «bouche de cerise en grappe», ironise-t-il, «avez-vous déjà vu des cerises en grappes»? Une autre élucubration le fait bien rire: «bouche de poussière de roche. Je n’ai jamais sucé une roche, et si un amateur l’a fait, encore faudrait-il savoir de quelle roche on parle»!
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il soutient que les consommateurs – et non les producteurs –sont à l’origine du phénomène. «Ces élucubrations, c’est le phénomène de l’élève qui tente de dépasser le maître — en particulier Robert Parker — en utilisant un vocabulaire trop souvent vide de sens», explique-t-il. Cela dit, les producteurs jouent aussi le jeu puisqu’ils attendent impatiemment les notes de ce même Parker pour fixer leurs prix annuels.
L'or rouge, blanc ou rosé De sa salle de dégustation, M. Hébert aborde également la hausse considérable du prix du vin depuis son «branding» de luxe instauré à la fin des années 1990. «Le vin est devenu une marque», précise-t-il, citant comme exemple le Château d’Yquem, considéré comme le plus grand vin liquoreux au monde et propriété du prestigieux groupe Moet Hennessy Louis Vuitton depuis 1996.
La récolte d’une qualité exceptionnelle comme celle des récents millésimes 2000 et 2005 partout sur Bordeaux a également fait grimper le prix marché de certaines bouteilles de millésimes antérieurs. M. Hébert cite l’exemple d’un vin bordelais du millésime 1986 vendu 100$ à sa sortie en 1988 qui se vend aujourd’hui à près de 1000$. Pourtant ajoute-t-il, «ce vin ne coûte pas plus cher à produire aujourd’hui qu’avant».
Pour le chroniqueur, ce positionnement de marché et la flambée des prix de certains vins est le fruit le l’offre et de la demande. «Le vin n’est pas un bien essentiel, il est maintenant produit de luxe. Si certains peuvent y mettre le prix, pour moi, c’est OK. Business is business.»
Stéphane Hébert souligne que le prix et la connaissance approfondie du vin sont loin d’être garants du plaisir pour un amateur. Pour soutirer le maximum de satisfaction de expérience bachique, l’expert recommande aux débutants de se fier en premier lieu à leurs goûts et d’expérimenter au maximum, car pour lui, quoiqu’en disent journalistes. vins et autres experts, «à chacun sa vérité»!
«Le goût est unique à chacun. C’est pourquoi il est utile de compiler ses archives, ses goûts et ses impressions», mentionne-t-il avec insistance. Cela tombe bien! La moitié des 127 pages du Journal du vin font office de notes de dégustation à remplir.
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